Plaidoirie de Libres penseurs athées, Journal du procès Hak contre PGQ

La Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) devant les Tribunaux
Plaidoirie LPA, le 14 décembre 2020
à la Cour supérieure du Québec

David Rand

2020-12-17

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Maître Samuel Bachand
Maître Samuel Bachand

C’est en fin d’après-midi, l’avant-dernier jour du procès Hak contre la Procureure-Générale du Québec (PGQ), soit le lundi 14 décembre 2020, que Maître Samuel Bachand a fait la plaidoirie de notre association Libres penseurs athées devant la Cour supérieure du Québec au Palais de justice de Montréal. Maître Bachand est principal rédacteur de notre argumentaire écrit, soumis à la Cour le 9 octobre, rédigé en collaboration avec son collègue Maître Marc-André Nadon, tous deux de la firme PFD Avocats.

La présentation de Maître Bachand s’est axée autour de deux principes-clé avancés par LPA ;

  1. La primauté de la liberté de conscience, qui précède la liberté de religion (la liberté de croire en l’existence de phénomènes surnaturels), tel qu’affirmé au paragraphe 19 de l’argumentaire LPA : « les protections visant la conscience existent sans lien de dépendance à la religion ». La liberté de conscience englobe à la fois les libertés de religion et de s’affranchir de la religion ainsi que la liberté d’apostasier (c’est-à-dire, d’abandonner sa religion pour en adopter une autre ou n’en adopter aucune). Pour reprendre les propos de Yolande Geadah qui a témoigné en tant qu’experte pour PDF-Q : « freedom of religion and freedom from religion ».
  2. La distinction entre la liberté de religion en tant que croyance, soit un aspect de conscience interne couverte par l’alinéa 2a) de la Charte canadienne des droits et libertés (CCDL), et la liberté d’expression couverte par l’alinéa 2b) de la CCDL. C’est-à-dire qu’il faut faire une délimitation méthodique entre la foi interne et les manifestations de cette foi dans l’espace civique.

Pour souligner le premier point, Maître Bachand a constaté que la Loi 21, dans la définition de la laïcité à son article 2, fait cette nécessaire distinction entre ces deux libertés lorsqu’elle spécifie qu’un des quatre principes de la laïcité est « la liberté de conscience et la liberté de religion ». En réponse, le juge Marc-André Blanchard a remarqué qu’il avait déjà l’habitude de distinguer ces deux libertés.

Le deuxième point a pour conséquence que, dans les institutions étatiques, les manifestations de la foi par des agents de l’État ne relèvent pas de la liberté de religion mais plutôt de la liberté d’expression et comportent alors des limites intrinsèques. Donc, pour s’arrimer à l’obligation de neutralité religieuse de l’État, l’interdiction du port de signes religieux par ces agents est respectueuse de la liberté de conscience — celle des administrés en général et des athées en particulier. Au fait, ajoute Maître Bachand, pour être cohérent, tous les signes de convictions personnelles, qu’ils soient religieux, antireligieux ou politiques, doivent être interdits dans ce contexte.

Dans sa plaidoirie, Maître Bachand esquisse les divers niveaux possibles d’intervention de l’État, c’est-à-dire, les degrés selon lesquels un État démocratique peut légitimement intervenir afin de protéger le bien commun, l’ordre public et des droits et libertés des autres. À un extrême, au niveau le plus intime de la liberté de conscience et de la liberté de religion, l’État n’intervient pas du tout, car ces libertés sont quasi-absolues dans ce contexte. Ensuite il y a divers niveaux comme l’espace privé, les lieux de culte, l’espace public et ainsi de suite où l’intervention de l’État devient progressivement un peu plus nécessaire et pertinente. Finalement, à l’autre pôle, nous avons le cas d’un agent de l’État ou d’un enseignant, dans l’espace civique, où l’État se doit d’intervenir afin de restreindre les manifestations de convictions personnelles au nom de la neutralité religieuse et politique de cet État.

Pour terminer, Maître Bachand fournit une illustration pratique de ces divers principes : l’exemple d’un athée qui se présente comme client d’un dépanneur où un signe religieux, tel un crucifix ou autre, est affiché, soit sur le mur, soit sur la personne du caissier. L’athée peut être heurté par cette affichage religieux, mais le propriétaire du dépanneur est dans ses droits dans ce cas. Alors, demande le juge, en quoi ce caissier serait-il différent du cas d’un fonctionnaire qui porte un signe religieux au travail ? Maître Bachand répond à cette question en expliquant que l’athée peux choisir de fréquenter un autre dépanneur, mais il lui est impossible de choisir un autre gouvernement ou un autre État, car il n’y en a qu’un seul.


2 commentaires sur “Plaidoirie de Libres penseurs athées, Journal du procès Hak contre PGQ
  1. Réal Boivin dit :

    Il me semble (je ne connais rien au droit) que notre avocat a bien défendu notre position. Bien sur notre participation n’est qu’une brique de plus du mur de la défense de la laïcité de l’état mais cette brique peut empêcher ce mur de s’écrouler. Il ne reste qu’à attendre le verdict.

    Merci David pour ce texte.

  2. Sylvie Tanguay dit :

    Merci à vous d’avoir pris la parole dans cet important dossier pour tous les Québécois.

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