David Rand, Réal Boivin, Pierre Thibault
Libres penseurs athées, Association intervenante dans la cause Hak contre PGQ
2020-12-24
Dans la même série :
- Les non-dits du procès contre la Loi 21
- La commission scolaire English Montreal permet-elle la maltraitance des enfants ? (Cette page-ci)
- Plaidoirie de Libres penseurs athées, Journal du procès Hak contre PGQ
- Une orgie d’hyperbole haineuse — Journal du procès : Semaine 5
- Journal du procès : Semaine 4
- Journal du procès : Semaine 3
- Journal du procès : Semaine 2
- Journal du procès : Semaine 1
Le procès contre la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) est maintenant chose du passé, bien que la décision du juge ne sera probablement connue que vers la fin de l’hiver au plus tôt. Mais les divers témoignages et plaidoiries nous laissent beaucoup de matière à réflexion.
Le 8 décembre, Maître Perri Ravon a fait sa plaidoirie en tant qu’avocate de la commission scolaire English Montreal (English Montreal School Board ou EMSB). Sa principale ligne d’attaque contre la Loi 21 était d’affirmer que la communauté anglophone se distingue de la majorité francophone québécoise non seulement par sa langue, mais aussi par sa culture qui s’inspire du multiculturalisme qui est incompatible avec la Loi 21 à laquelle s’opposent toutes les neuf commissions scolaires anglophones de la province. Ainsi, Maître Ravon faisait écho aux propos de Maître Jennifer Klink (aussi pour l’EMSB) pour qui la laïcité dite « ouverte » (« open secularism ») aurait des racines profondes dans la culture anglophone, ainsi que des propos de Julius Grey (pour le Quebec Community Groups Network ou QCGN) qui, une semaine avant, avait souligné le rejet de la laïcité républicaine par les anglophones.
L’idée, donc, était d’exiger un traitement à part pour la communauté anglophone, étant donné son approche distincte au sécularisme. L’hypocrisie de cette position est flagrante. Les adversaires de la Loi 21 cherchaient justement à minimiser la nature distincte du Québec, non seulement sa langue mais aussi sa culture, dans la fédération canadienne, pour ainsi nier son droit à un régime différent de celui du reste du Canada en matière de laïcité.
Toutefois, ce n’est pas de cette hypocrisie-là que nous voulons discuter ici, mais plutôt de la façon dont Maître Ravon a décrit ce sécularisme si « open », c’est-à-dire l’ouverture de l’EMSB à la sacro-sainte diversité — une diversité qui est d’abord et avant tout religieuse. Selon Maître Ravon, « la Loi 21 envoie un message d’intolérance et d’exclusion » tandis que « le sécularisme ouvert a des racines si profondes dans la communauté anglophone ». Ce disant, elle a souligné le bout de phrase « des racines si profondes » (« such deep roots ») avec une forte émotion proche de l’émerveillement.
Maître Ravon, dans son éloquente plaidoirie, nous a fourni quelques exemples des pratiques religieuses merveilleuses que l’EMSB facilitent chez ses élèves, dont :
- le ramadan, un mois durant lequel les musulmans observants jeûnent durant le jour ;
- l’attribution d’espace de prière sur la propriété de l’école ;
- priver des enfants de musique si celle-ci est incompatible avec la religion (l’islam) des parents ;
- le port de signes religieux par des membres du personnel et, éventuellement, par des élèves ;…
Quelques observations s’imposent. D’abord, la plupart de ces exemples se rapportent à une seule religion, l’islam. Où donc est la « diversité » là-dedans ? Deuxièmement, Maître Ravon semblait ne faire aucune distinction entre l’appartenance religieuse des parents et celle de leurs enfants, ce qui en soi est inacceptable. Étiqueter un enfant avec la religion de ses parents, c’est négliger complètement la liberté de conscience de cet enfant. En attendant qu’il atteigne l’âge de la majorité, aucun enfant ne devrait être affublé d’aucune désignation religieuse.
Mais ce qui est vraiment inquiétant dans ces exemples, c’est le traitement subi par certains enfants pour la seule et unique raison de la religion de leur parents. L’EMSB prive-t-elle certains élèves de toute appréciation musicale pour cause de religion parentale ? Pis encore, l’EMSB prive-t-elle certains élèves d’alimentation parce que leur parents veulent imposer le ramadan ? L’EMSB accepte-t-elle le port du voile islamique par des fillettes en bas âge ? Dans chacun de ces cas, cela frôle la maltraitance infantile. Dans les cas du ramadan et du port du voile pour une période assez longue (des semaines ou davantage), c’est carrément de la maltraitance infantile. En effet, accepterait-on un traitement différencié de la sorte pour une raison non religieuse ? Au nom de quoi l’accepte-t-on quand il s’agit de religion et, si oui, quelles sont les limites ?
Avons-nous mal compris les propos de Maître Ravon ? Peut-être que la commission scolaire ne fait que faciliter certaines pratiques religieuses, sans les imposer. Mais même dans ce cas, il s’agit de jeunes enfants qui sont facilement influençables et n’ont pas la maturité nécessaire pour prendre des décisions éclairées. C’est justement pour cette raison qu’il est inacceptable d’étiqueter un enfant avec la religion de ses parents. Une laïcité qui vaille empêcherait de telles bavures.
Il y avait, dans le discours de Maître Ravon, une importante dose d’arrogance. On sentait en l’écoutant sa fierté de faire partie de cette communauté si « ouverte ». Mais cette fierté était plutôt un masque qui cachait son orgueil, son sentiment de supériorité et son hostilité pour les valeurs des Québécois francophones qu’elle considère apparemment intolérants et xénophobes. En tant qu’anglophone moi-même (D.R.), je suis outré par la petitesse d’esprit de l’EMSB et de ses avocates.
Tout compte fait, Maîtres Klink et Ravon révèlent que l’administration de l’EMSB fait preuve d’une complaisance inquiétante et écervelée à l’égard des pratiques religieuses douteuses, qu’elle semble accepter d’emblée, sans discernement aucun. Le ramadan en particulier est une pratique à déconseiller même pour les adultes, surtout s’ils travaillent dans un contexte où la concentration et la vigilance sont importantes. C’est encore pire pour les enfants. Si l’EMSB avait connaissance du mariage d’une petite fille de 14 ans, avertirait-elle la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) ou, par contre, le considèrerait-elle comme acceptable pour les enfants issus d’une minorité religieuse ?
De plus, toutes ces observances religieuses, sans valeur réelle pour la personne qui les pratique, ont pour but de séparer d’autrui les fidèles d’une religion, c’est-à-dire dans un but de ségrégation religieuse. Ces pratiques servent surtout à consolider le pouvoir des autorités religieuses.
En somme, Maîtres Klink et Ravon ont fait la démonstration que le sécularisme dit « ouvert » n’est que l’anti-laïcité du 21e siècle. Elles nous convainquent ainsi que le port de signes religieux est un moyen efficace de faire du prosélytisme chez les enfants dans le but de les convertir à cette idéologie antilaïque, d’où la nécessité de la Loi 21.
Très bonne charge contre l’hypocrisie communautariste des multiculturalistes.
« Ainsi, Maître Ravon faisait écho des propos de Maître Jennifer Klink (aussi pour l’EMSB) pour qui la laïcité dite « ouverte » (« open secularism ») aurait des racines profondes dans la culture anglophone, ainsi que des propos de Julius Grey (pour le Quebec Community Groups Network ou QCGN) qui, une semaine avant, avait souligné le rejet de la laïcité républicaine par les anglophones. »
Parleraient-ils au nom de tous les anglophones ? Sur quoi se base cette affirmation ? N’y a-t-il dans la population anglophone un désir pour la laïcité républicaine qui serait bien plus présent que dans les instituions officielles anglophones ? Je pense qu’il y a peut-être un décalage idéologique.
Vos arguments mettent au jour des pratiques scandaleuses. J’espère qu’ils faisaient partie de notre plaidoirie devant le juge…
Le fait est que, parmi les innombrables hypocrisies qui sont la marque de commerce du multiculturalisme, il y a celle, omniprésente, de faire donner aux religions un statut particulier dans la société, sans jamais le dire ouvertement, en faisant passer ça plutôt comme de la « diversité culturelle ». Celle-là est particulièrement exaspérante, pour les athées en particulier, mais aussi pour la majorité des Québécois. Auxquels il faudrait probablement ajouter bon nombre de Canadiens hors-Québec, qui malheureusement, ont peu tendance à s’exprimer publiquement.
L’hypocrisie des anglophones n’a pas de fin. Et ils n’ont pas honte de confondre l’intégrisme religieux en guise de diversité culturelle. C’est vraiment honteux d’encourager le communautarisme et le tribalisme sectaire, au nom de la diversité. Diviser pour régner a toujours été la devise de l’impérialisme «British».