Monsieur François Legault,
Premier ministre du Québec
Le 14 janvier 2019
Objet : La laïcité à l’école, un impératif à tout prix
Monsieur le Premier ministre,
Nous nous adressons à vous en tant que Premier ministre et, en particulier, en tant que responsable du dossier de la laïcité. Nous tenons d’abord à vous féliciter pour votre récente victoire électorale. Nous vous félicitons surtout pour l’intention, que vous avez exprimée lors de votre discours inaugural du 28 novembre dernier, de procéder avec diligence et fermeté en matière de laïcité. De plus, vous avez assurément un mandat fort pour le faire, vu la victoire majoritaire de votre parti et le récent sondage CROP qui confirme l’appui de la population en ce qui concerne l’interdiction des signes religieux portés par les agents de l’État en situation coercitive ou d’autorité, y compris les enseignantes et les enseignants des écoles publiques.
En tant qu’association de défense des droits des athées, nous, Libres penseurs athées, désirons surtout souligner que le fait de permettre le port de signes religieux dans la fonction publique représente une discrimination contre les athées, contre les autres incroyants et contre tout individu sans appartenance religieuse. En effet, n’ayant aucun signe d’une telle appartenance à afficher, une apparence neutre va de soi chez nous. Au fait, permettre aux employés et employées de l’État d’afficher de tels signes constituerait un privilège accordé à une minorité de croyants particulièrement pieux ou rigoristes, voire intégristes, et une discrimination contre tout autre individu, même contre les croyants qui vivent leur foi de façon privée et non ostentatoire. Il s’avère donc indispensable de prohiber le port de signes religieux par les fonctionnaires au travail, surtout ceux et celles en position d’autorité.
L’interdiction des signes religieux est particulièrement importante auprès des enfants. Les enseignantes et les enseignants sont les véhicules de transmission de valeurs fondamentales dans une société et exercent une autorité morale incontestable sur les élèves tout au long de leur processus d’apprentissage. Voilà pourquoi une stricte neutralité en matière religieuse s’impose à l’école. Établir une réelle laïcité de l’État, c’est donc d’abord commencer par l’école qui doit assurer le total respect de la liberté de conscience des élèves et de leurs parents. Pour cela, il ne faut pas que les professeurs aient le privilège de s’afficher en panneaux publicitaires de leur croyances religieuses. D’ailleurs, nous sommes d’avis que le même devoir de réserve devrait s’appliquer aussi aux techniciennes et techniciens dans les services de garde et les laboratoires et également aux directions d’école. Ces personnels aussi exercent une autorité sur les enfants et ne devraient pas être dans une catégorie à part en ce qui concerne la laïcité.
Toujours au sujet de la laïcité de l’école, nous sommes particulièrement préoccupés par une question majeure que ne fait pas encore partie de votre projet : le programme Éthique et culture religieuse (ÉCR). Vous savez sans doute que ce programme, surtout son volet « culture religieuse », est la cible de nombreuses critiques légitimes depuis son instauration il y a une décennie. Il présente une vision à la fois caricaturale et rigoriste de la pratique religieuse et néglige presque complètement les incroyants, ainsi que les croyants non pratiquants et peu pratiquants. Comme le port de signes religieux, ce volet constitue de la discrimination flagrante contre les athées à l’école. Un programme scolaire qui suppose d’emblée que tout élève a une religion, ou devrait en avoir une, n’a pas sa place à l’école publique. Nous vous demandons donc d’ajouter à votre projet laïque le retrait complet du volet religieux du programme ÉCR, sinon le retrait de l’ÉCR entièrement.
Finalement, nous sommes d’avis que l’interdiction du port de signes religieux devrait s’appliquer à tout le personnel concerné, et pas seulement aux nouvelles embauches, afin d’éviter les inégalités de traitement.
Veuillez croire, Monsieur le Premier ministre, en l’assurance de notre collaboration. De concert avec une large majorité de la population québécoise, nous souhaitons de tout cœur une avancée significative dans ce dossier de la laïcité.
Cordialement,
David Rand,
président, Libres penseurs athées www.atheologie.ca
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