David Rand
2021-07-12
Ce texte a été rédigé originalement pour nos amis polonais de la Fondation Kazimierz Lyszczynski. Quelques détails de l’histoire et de la géographie du Canada y sont donc expliqués.
Récemment, en mai et en juin 2021, la découverte de tombes anonymes, sur des terrains où s’étaient trouvé autrefois des écoles pour enfants autochtones, a profondément ébranlé les Canadiens, nous obligeant à affronter une chapitre très peu recommandable de l’histoire du pays.
Débutant au 19e siècle et se poursuivant jusqu’à la fin du 20e, le système canadien de pensionnats obligatoires pour les enfants des peuples autochtones — c’est-à-dire les Premières Nations, appelées à tort « Indiens » — a causé un tort énorme à la fois à ces enfants et aux familles et communautés dont ils ont été séparés de force. Bien que l’éducation au Canada relève normalement des provinces, les relations avec les peuples autochtones sont de compétence fédérale, de sorte que ces écoles ont été établies par le gouvernement fédéral, ou plus précisément par son ministère des Affaires indiennes, qui a ensuite délégué leur fonctionnement à diverses organisations religieuses, en particulier à l’Église catholique.
Le but de ces écoles, qu’on trouvait dans la plupart des provinces et territoires canadiens, était de soustraire les enfants autochtones à l’influence de leur propre culture afin de les assimiler à la culture canadienne dominante. Ce système de pensionnats a gravement nui aux enfants autochtones en les retirant de leur famille et de leur communauté, en les privant de leur langue maternelle et en exposant nombre d’entre eux à des abus physiques et sexuels. En outre, les conditions et les soins médicaux étaient de piètre qualité, entraînant de graves problèmes de santé, tels que la grippe et la tuberculose, et des taux de mortalité élevés. Le nombre précis de décès liés à ces écoles reste inconnu en raison d’une mauvaise tenue des dossiers, mais les estimations vont de trois mille à trente mille, voire plus. Pendant l’existence de ce système d’écoles, soit plus d’un siècle, on estime que quelque 150 mille enfants ont été placés dans ces pensionnats.
Le système de pensionnats a été inauguré en 1876 par la Loi sur les Indiens sous le régime du premier ministre Alexander MacKenzie, bien que quelques pensionnats semblables aient existé dès 1828. Avec la fin de diverses guerres et l’avènement du temps de paix, la responsabilité des relations avec les peuples autochtones a été transférée aux autorités civiles et soustraite aux militaires qui, ayant tissé des relations amicales avec certaines tribus de par des alliances militaires, avaient parfois des rapports plus sympathiques avec les Autochtones.
Peu de temps après l’établissement en 1876 du système de pensionnats, le gouvernement de John A. Macdonald a adopté un modèle semblable à celui utilisé aux États-Unis, soit un partenariat entre le gouvernement et des églises. Macdonald a été le premier (1867-1873) et le troisième (1878-1891) premier ministre du Canada et a acquis la réputation d’avoir été un raciste irréductible — même pour cette époque où le racisme était la norme — envers les Autochtones, les Chinois, les francophones, enfin envers quiconque n’était pas d’origine britannique.
À partir de 1894, la fréquentation des pensionnats est rendue obligatoire pour les enfants des Premières Nations. Ces écoles n’hébergeaient pas forcément tous leurs élèves, mais beaucoup étaient localisées loin des communautés autochtones pour que les enfants soient obligés d’y résider. Les parents et familles prenaient souvent l’habitude de visiter, se faisant un camp à l’extérieur de l’école que fréquentaient leurs enfants. Mais les autorités déconseillaient cette pratique car cela nuisait, selon elles, à l’assimilation. Le dernier des pensionnats n’a été fermé qu’en 1997.
En 2008, le premier ministre Stephen Harper a présenté des excuses formelles, au nom du Gouvernement canadien, pour son rôle dans le système de pensionnats pour Autochtones. Une Commission de vérité et de réconciliation (CVR) a été établie afin de faire la lumière sur ce système. En 2015, la CVR a publié sa conclusion que le système de pensionnats avait perpétré un « génocide culturel » motivé par la croyance que le colonisateur apportait à ces peuples « sauvages » la civilisation qu’ils n’atteindrait jamais seuls, une croyance en la supériorité raciale et culturelle de ce colonisateur. Un Centre national pour la vérité et la réconciliation (CNVR) permanent a été établi à l’Université du Manitoba.
En mai 2021, les restes de 215 enfants ont été retrouvés, à l’aide d’un radar à pénétration de sol, enterrés sur le site d’un ancien pensionnat autochtone à Kamloops dans la province de la Colombie-Britannique (C.-B.). En juin, 751 tombes anonymes (toutes les identifications étant apparemment perdues) ont été découvertes sur le site du pensionnat pour Autochtones Marieval en Saskatchewan. Plus tard le même mois, la découverte de 182 tombes anonymes près de l’école St. Eugene dans la région de Kootenay de la C.-B.a été signalée. Toutes les trois écoles avaient été gérées par l’Église catholique.
Depuis lors, il y a une vague d’actes d’apostasie de la part de Canadiens baptisés catholiques mais qui ne souhaitent plus être associés à cette Église, étant donné son traitement épouvantable des enfants autochtones. Par ailleurs, plus d’une douzaine de bâtiments d’église, pour la plupart catholiques, certains situés sur des terres autochtones, ont été vandalisés et certains même complètement détruits par des incendies criminels. Ces actes ont été dénoncés par des dirigeants autochtones.
La plupart des pensionnats pour Autochtones dans ce système étaient gérés par les Églises catholique et anglicane. Cependant, plusieurs autres Églises — méthodiste, presbytérienne, baptiste, Église unie, etc. — en exploitaient également. En 1986, l’Église unie a présenté des excuses officielles pour son rôle. Cela a été suivi par des excuses des Églises anglicane en 1993 et presbytérienne en 1994.
Diverses instances catholiques ont émis des déclarations, incluant une « expression de tristesse » – mais pas des excuses formelles – de la part du pape Benoît XVI lorsqu’une délégation de représentants des Premières Nations du Canada lui a rendu visite en 2009. L’actuel pape François n’a jamais présenté d’excuses, malgré les demandes à cet effet provenant de la CVR et du premier ministre Justin Trudeau. Peu de temps après la découverte à Kamloops, Trudeau a de nouveau demandé à l’Église catholique de s’excuser officiellement et de rendre accessibles tous les documents pertinents.
À mon avis, nous pouvons exhorter l’Église catholique ou toute autre église à présenter des excuses formelles et à assumer l’entière responsabilité de leurs gestes, c’est tout à fait légitime, mais cela passe tout de même à côté de l’essentiel. L’ultime responsabilité du système des pensionnats pour Autochtones incombe au gouvernement fédéral. C’est le gouvernement fédéral qui l’a établi et qui a délégué ses opérations à diverses églises. Si l’une de ces églises retient des informations ou doit verser une restitution financière, ce gouvernement devrait utiliser tous les moyens à sa disposition pour forcer cette église à obtempérer.
Exhorter l’Église catholique à faire ce qu’il faut semble particulièrement futile. L’Église catholique est essentiellement une organisation criminelle internationale qui utilise le manteau de la religion pour masquer ses nombreux crimes graves. Elle doit être traitée comme une mafia, ce qu’elle est de toute évidence.
Lorsque le gouvernement canadien a confié l’éducation, la santé et le bien-être de ces enfants vulnérables à des institutions religieuses, chrétiennes en particulier, il a pris une décision particulièrement inepte. Les fervents adeptes des monothéismes abrahamiques sont connus pour leur arrogance morale, leur conviction écrasante de posséder une connaissance directe des principes moraux absolus, proclamés par l’hypothétique roi divin de l’univers qu’ils adorent. Si l’on combine cette arrogance morale avec l’extrême racisme qui a motivé la fondation de ce système de pensionnats afin d’assimiler les enfants d’une race « inférieure », le résultat en sera désastreux. Ce n’est que maintenant que nous commençons enfin à prendre la pleine mesure de ce désastre.
N’oublions pas les célèbres propos de Blaise Pascal, lui-même théologien catholique : « Jamais on ne fait le mal si pleinement et si gaiement que quand on le fait par conscience », c’est-à-dire par conviction religieuse.
Dans le déferlement médiatique autour de cette question, je n’ai encore trouvé personne qui ait soulevé la question cruciale de la laïcité, et en particulier sa principale composante, la nécessaire séparation entre les religions et l’État. L’État canadien a fait une énorme sottise lorsqu’il a demandé aux églises de s’occuper de ce programme éducatif. Le système des pensionnats autochtones était une très mauvaise idée dès ses débuts, un projet inhumain et raciste. L’implication des églises chrétiennes a rendu la situation encore pire.
Double faute du gouvernement fédéral, en effet, en ne prenant pas en main l’inclusion linguistique, sociale, citoyenne des enfants des Premières Nations :
1. s’en décharger sur une simple composante, non officielle, non gouvernementale de la société, une religion et ses diverses sectes. Laquelle n’avait pas forcément le savoir-faire adéquat;
2. la confier à une organisation particulièrement mafieuse, criminelle, perverse et intrusive, la secte catholique, déjà identifiée depuis le siècle des Lumières à une officine d’endoctrinement, de dressage à l’obéissance à des stupidités, d’inculcation de refoulements sexuels plutôt que comme une institution éducative visant à l’émancipation.
En tant que société, on l’a payé cher, très cher.
Premiers « payeurs », nos concitoyens des Premières Nations. Faut-il rappeler la longue liste des souffrances physiques et mentales que cette engeance leur a infligées ?
« Payeurs » collatéraux : tous les Canadiens à qui la secte chrétienne n’a pas fourni la constitution d’une réelle société solidaire, mais au contraire, la fabrication de deux composantes loin de se comprendre.
On n’a pas fini de payer les dommages : en plus d’être toutes engagés dans des défis environnementaux et sanitaires, les sociétés – et d’abord celles qui se réclament de l’humanisme et de l’émancipation, à savoir les nôtres, les seules capables d’autocritique – exhument « les cadavres dans les placards », les méfaits et injustices commises par les uns au détriment des autres. Il ne faudra pas compter sur quelques subterfuges et placebo pour escamoter les accusations et revendications, voire les procès en réparation de tous ceux qui ont été lésés (déculturés, molestés voire massacrés) au cours de l’Histoire par d’autres composantes de nos sociétés. Les revendications de nos Premières Nations, qui me semblent éthiquement légitimes, rejoignent les voix de tous ceux qui s’estiment avoir été lésés (ou pire) à la grandeur de la planète.
Quiconque a un minimum d’exigence éthique devrait prendre sa part de coresponsabilité dans les dégâts. Quant à moi, athée anti clérical, je refuse d’assumer la criminalité des institutions religieuses qui, de tous temps, et particulièrement au détriment des Premières Nations, ont évangélisé, endoctriné, déculturé, formaté et perverti les plus vulnérables de leurs adeptes, et ceci à contre-courant des idéaux humanistes qui ont éclos en Occident en opposition à leurs dogmes et à leurs injonctions.
Évidemment, si la laïcité avait été instaurée à l’époque, le gouvernement fédéral se serait bien gardé se « sous-traiter » le dressage des Premières Nations aux sectes chrétiennes.
On ose quand même espérer qu’il et les dirigeants de l’époque n’ont pas souhaité cette cruauté…… Quoique …..
Quand l’Écossais orangiste John A. Macdonald ordonne rageusement la pendaison du « pas assez Canadian » Louis Riel et des Métis, on a le droit de suspecter que la cruauté exercée par les sectes chrétiennes sur les « Indigènes » a pu avoir l’aval du gouvernement fédéral d’alors.
GC
J’ai été élevé par des religieux. Mes enfants l’ont été. Tous les gens éduqués de ma génération et celle qui me précédait l’ont été. Je suis un athée très reconnaissant que notre peuple ait eu des gens dévoués comme ces religieux à notre éducation et à nos malades pendant des siècles. Je trouve tout à fait injustifiés et ingrats les québécois qui non seulement nient la contribution des religieux à ce que nous sommes mais les rendent coupables de leur propre échec personnel.
De nouvelles informations nous arrivent sur le cimetière de Marieval. Ces nouveaux éléments nous rappellent qu’il faut se méfier de l’information spectacle et de la tradition orale. Des recherches minutieuses nous mèneraient à savoir réellement qui sont vraiment les personnes dans ce cimetière ou, du moins, nous rapprocheraient de la véritable histoire.
https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1810424/pensionnat-autochtones-decouverte-tombes-histoire