Libres penseurs athées
2019-05-01
À l’opposé du projet de loi 60 en 2014 et du projet de loi 62 en 2016, nous, Libres penseurs athées, n’avons pas reçu d’invitation de la Commission des institutions de l’Assemblée nationale aux auditions où il est question d’étudier le projet de loi 21, « Loi sur la laïcité de l’État », proposé actuellement (2019) par le gouvernement du Québec. Nous n’avons donc par préparé de mémoire, mais nous avons tout de même préparé des recommandations.
Nos recommandations se divisent en deux catégories : (A) celles à court terme, qui portent directement sur le projet de loi 21 et (B) celles qui représentent des mesures à prendre à l’avenir, après l’adoption de cette loi, afin de faire avancer la laïcité au Québec à long terme.
(A) Recommandations de modifications du projet de loi 21
- Au CHAPITRE I : AFFIRMATION DE LA LAÏCITÉ DE L’ÉTAT, dans la définition du mot « laïcité » donnée au point 2, le point 4 :
« 4° la liberté de conscience et la liberté de religion. »
doit être remplacé par :
« 4° la liberté de conscience, qui comprend, entre autres libertés, la liberté de religion, la liberté de s’affranchir de la religion, ainsi que la liberté d’apostasie. »
Pourquoi : La liberté de conscience englobe toutes ces libertés, pas seulement la liberté de religion. Mentionner cette dernière seulement revient à accorder un statut privilégié à la religion, ce qui est inacceptable. Il faut donc toujours inclure explicitement la liberté de s’affranchir de la religion afin d’équilibrer l’énoncé. De plus, la liberté d’apostasie est fortement menacée par des intégrismes qui ne la reconnaissent pas et vont même jusqu’à criminaliser l’apostasie – punie même par la peine de mort dans certains pays – d’où l’importance de déclarer explicitement que cette apostasie est un droit. - Supprimer le droit acquis des fonctionnaires déjà en service au moment de l’adoption de la loi.
Pourquoi : Permettre à certains employés et à certaines employées de se soustraire à l’interdiction du port des signes religieux créera des inégalités flagrantes qui seront à la fois injustes et très difficiles à gérer. D’ailleurs, le port de signes partisans politiques est déjà interdit par la loi québécoise et il faut reconnaître que les signes religieux ont très souvent une portée politique. Donc, ce soi-disant « droit acquis » serait déjà possiblement une violation de cette loi. - Étendre l’interdiction des signes religieux aux installations des institutions civiques, incluant les écoles.
Pourquoi : Pour la même raison que les fonctionnaires ne doivent pas afficher des signes religieux au travail, car ils et elles représentent l’État, les murs et autres installations de toute institution de l’État, y compris les écoles publiques, ne doivent afficher aucun signe religieux. - Étendre l’interdiction des signes religieux aux CPE.
Pourquoi : Le projet de loi 21 prévoit déjà cette interdiction chez le personnel des écoles publiques, puisque les enseignantes et enseignantes représentent des figures d’autorité pour les élèves. Ceci est d’autant plus vrai dans les Centres de petites enfance, car les enfants qui les fréquentent sont encore plus jeunes, encore plus vulnérables à l’influence de l’affichage religieux. - Étendre l’interdiction des signes religieux aux écoles privées subventionnées par l’État.
Pourquoi : La laïcité doit s’appliquer à toutes les écoles qui reçoivent des subventions des fonds publics, que ces écoles soient classées publiques ou privées. Au niveau du financement, elles sont toutes de l’espace civique et doivent respecter la laïcité de l’État. - Étendre l’interdiction des signes religieux à tout le personnel des écoles, des CPE et des aux écoles privées subventionnées.
Pourquoi : Le problème de l’affichage religieux et son influence sur l’enfance est posé par tout le personnel de ces écoles et des CPE. Pour une laïcité cohérente, et pour ne pas créer des inégalités semblables à celles que créerait le droit acquis (voir le point 2 ci-dessus), il importe d’appliquer l’interdiction à tout le personnel.
(B) Recommandations non liées directement au projet de loi 21
- Créer une instance permanente de l’État sur la laïcité ayant comme mission :
- d’éduquer et de former le public sur la laïcité ;
- de surveiller et d’agir face aux dérives sectaires ;
- d’étudier et d’analyser, de manière exhaustive, l’ensemble des aspects liés à la laïcité dont, entre autres les recommandations que nous faisons et tout autre aspect non traité dans le projet de loi 21 ;
- de proposer des solutions en accord avec les principes de cette loi pour que la laïcisation de la société québécoise se poursuive efficacement.
- Étendre l’interdiction du port de signes religieux à tous et à toutes les fonctionnaires de l’État.
- Interdire le port de signes religieux par les élèves, de la pré-maternelle au CEGEP, afin d’assurer la neutralité des lieux d’enseignement, ainsi que pour assurer à tous les enfants un environnement libre de toute ingérence religieuse en dehors du milieu familial.
- Encourager la laïcité à l’entreprise quand celle-ci favorise un climat de travail plus harmonieux.
- Toute personne à qui est fourni un service de l’État doit avoir le visage découvert lors de la prestation du service, à moins d’un accommodement pour des besoins réels et objectifs, c’est-à dire non religieux.
- Le volet « culture religieuse » du programme Éthique et culture religieuse doit être supprimé et remplacé par du contenu favorisant la pensée critique. Le Comité sur les affaires religieuses et le Secrétariat aux affaires religieuses au sein du Ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur doivent être dissous.
- Retirer tout enseignement à caractère confessionnel, en particulier les programmes en théologie, dans les collèges et universités qui reçoivent des fonds publics.
- L’État laïque doit se donner le mandat de protéger contre l’endoctrinement la liberté de conscience de tous, en particulier des plus vulnérables : les écoliers et les enfants d’âge préscolaire.
- Éliminer toute subvention aux écoles confessionnelles privées.
- Abroger les avantages fiscaux accordés aux religieux et aux organismes religieux.
- Surveiller le financement des organismes religieux afin d’exposer tout versement provenant de l’étranger. En particulier, il faudrait envisager la possibilité d’interdire de tels versements.
- Mettre fin aux accommodements religieux consentis aux abattoirs rituels.
- Interdire toute manifestation religieuse dans les édifices publics, comme les prières lors des séances des conseils municipaux ou scolaires, c’est-à-dire, formuler dans la législation l’interdiction faite par la décision de la Cour suprême du Canada du 15 avril 2015.
- Envisager la possibilité d’interdire les couvre-visage, non seulement dans les institutions publiques, mais également dans tous les lieux publics et ce, pour des raisons de sécurité publique et pour favoriser les communications humaines.
- Interdire toute mutilation du corps humain sans raison médicale valable et sans le consentement de l’intéressé(e), en particulier la circoncision et la mutilation génitale féminine.
- Éviter toute identification entre un enfant et la religion de ses parents. La religion – comme, l’alcool, le droit de vote ou la conduite d’une automobile – doit être une affaire d’adultes.
- Interdire formellement toute manifestation religieuse dans les édifices publics.
- Se mettre en garde contre l’existence d’une stratégie globale concertée qui cherche subtilement à affaiblir les démocraties occidentales et à imposer des visions politico-religieuses fascisantes.
- Adopter une politique de non-discrimination de la part de la DPJ pour les maltraitances d’origine religieuse chez les enfants et les adolescents.
- Former les enfants dès la maternelle pour se prémunir autant contre les abus religieux que les abus sexuels (il y a déjà de la sensibilisation qui se fait pour la sexualité).
- Former les nouveaux immigrants aux valeurs québécoises qui s’inspirent fortement des valeurs universelles des Lumières. Plus particulièrement, gérer les différences de valeurs culturelles et religieuses entre les nouveaux arrivants et le pays d’accueil.
- Faire en sorte que tous et toutes, indépendamment de toute appartenance religieuse, soient contraints aux mêmes règles dans les piscines municipales.
- Contrôler l’usage des certifications alimentaires religieuses (cacher, halal) pour que nul ne soit contraint d’acheter des produits ayant des certifications religieuses s’il ne le souhaite pas. Par exemple, ne permettre la vente des produits ayant une certification religieuse que dans des épiceries spécialisées ou dans une section réservée dans les supermarchés. Rendre obligatoire l’étiquetage de tous produits ayant une certification religieuse.
- Répudier la motion contre l’islamophobie adoptée le 1er octobre 2015 par l’Assemblée nationale du Québec ou, au moins, supprimer le mot « islamophobe » de cette motion.
- Étendre la laïcité aux hôpitaux, y compris l’interdiction des signes religieux portés par le personnel ou affichés sur les installations.
Votre texte va plus loin et comporte des éléments importants qui ne figurent pas dans la loi21 proposée; il est donc opportun et nécessaire pour la réflexion en route, et les décisions futures qui vont suivre. Merci aux libres-penseurs pour cette collaboration qui sera certes appréciée et utile!
Andréa Richard