(Un grand débat national ou un grand débat universel ?)
Gérard Vignaux
2019-02-23
Gérard Vignaux est membre fondateur de la Coordination Athée Francophone (CAF).
Un grand débat national est lancé en France et un débat sur la laïcité a lieu actuellement au Québec… C’est le moment pour les athées de faire entendre leurs voix maintenant si nombreuses (63 % de non religieux et 29 % d’athées en France, sondages WIN/Gallup International). Ces positionnements athées universalistes et progressistes se retrouvent à Montréal, Paris, New-York, Bruxelles, Genève, Berlin, Prague… ou ailleurs.
Nous les athées avons des spécificités liées à notre pensée et à notre éthique, lesquelles dépassent souvent nos orientations politiques. Parlons donc de ces particularités !
Nous parvenons ainsi à créer des dialogues riches en avancées progressistes utiles à tous. Notre volonté est de transmettre au grand public les fruits de ces réflexions.
Quelques exemples éloquents :
- Les libertés individuelles sont perçues différemment selon que l’on soit croyant ou athée. Nombre de religieux sont prosélytes, alors que les athées souhaitent un espace public libéré de l’influence religieuse, en particulier pour les enfants. Comment penser que la liberté individuelle permette le port du niqab, du hidjab, et même parfois de la burqa, ce qui se traduit par la perte de neutralité de l’espace public et attise ainsi les guerres de religions. Nous, athées, sommes pour un espace public apaisé et neutre, la religion se pratiquant dans un espace privé.
- L’évolution des mœurs est portée par l’élan des non religieux : La culture judéo-chrétienne a apporté des valeurs et des interdits très stricts sur les façons de vivre sa sexualité, sa famille et son foyer. Un homme, une femme pour la vie était la règle morale fondatrice des mœurs judéo-chrétiennes. Elle est encore défendue par des religieux intégristes mais l’évolution est notoire.
- L’émancipation des femmes, des hommes, la liberté des homosexuels, la contraception, le mariage pour tous, la gestation pour autrui, l’éducation libre des enfants, les réflexions libérales sur la bio éthique, les choix libres de fin de vie comme le suicide assisté … autant de sujets démontrant des positions largement partagées par les athées. Toutes ces idées novatrices sont l’oeuvre des non religieux parfois rejoints par des croyants progressistes.
- La transcendance bénite, chantée, glorifiée est portée de toutes les façons par les religions monothéistes. Nous nous accordons aujourd’hui pour affirmer que la plupart des monarques et des dictateurs s’appuyaient sur cette valeur aujourd’hui largement remise en cause. Cette transcendance, nous la dénonçons au profit d’une immanence contemporaine. Nous élaborons nos principes par nous-mêmes et en nous-mêmes sans dépendance en un être supérieur illusoire. Cette logique réalisée en commun favorise notre fraternité.
Les religions monothéistes sont fondamentalement écrites sur le modèle pyramidal. Un dieu unique, paternaliste qu’il faut respecter au détriment des pensées, des désirs et du bon sens des croyants.
Le refus de la transcendance implique des particularités dans notre vie quotidienne. La fin du paternalisme implique une nouvelle façon de légiférer. Le modèle du souverain tout puissant ou du milliardaire dix mille fois plus riche que le citoyen de la classe moyenne incarne la transcendance. Les athées prennent la parole pour dénoncer nombre de règles et d’interdits qu’ils jugent caducs. La transcendance ne doit plus être reconnue comme une logique humaniste.
Les règles visent à protéger les libertés individuelles, tout en préservant notre droit de choisir toutes les fantaisies possibles hors des conformismes ancestraux.
Ce 21e siècle nous montre précisément de nombreuses « crises de gouvernance ». Nous soutiendrons uniquement les élus, les politiciens et les systèmes politiques qui sauront ne plus se soumettre au lobbying religieux sous toutes ses formes.
L’argent public ne doit plus permettre d’aider directement ou indirectement au fonctionnement des cultes. Un grand nombre d’associations « cultuelles » se présentent en associations « culturelles » et reçoivent abusivement des financements. C’est une inacceptable dilapidation de l’argent public, tant sur la base de la loi de 1905 portant sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, que symboliquement.
Les athées souhaitent se faire également entendre pour faire reconnaître des idéaux universels nécessaires dans cette période où la maladie d’idéalité ne fait qu’apporter nihilisme et dépressions.
Nos valeurs existent bel et bien, quitte à contredire tous ceux imaginant les mécréants sans moralité puisque différents de leurs « morales religieuses caduques ».
La laïcité est revendiquée d’une façon universelle par tous les athées du monde comme principe fondamental pour vivre en paix. L’extension des différents intégrismes religieux et tout spécialement les risques liés au terrorisme islamiste nous amènent à demander le renforcement de la laïcité dans l’espace public.
La transparence est une valeur nouvelle portée par le numérique et largement soutenue par tous ceux qui dénoncent la fausseté des comportements religieux. Les doubles langages, les obséquiosités, la pédophilie ne sont plus des comportements dignes dans le monde d’aujourd’hui.
Les connaissances culturelles, scientifiques, artistiques seront toujours recherchées pour faire obstacle à l’obscurantisme et aux illusions dans lesquels certains s’efforcent de maintenir les enfants et les naïfs. L’esprit critique est capable de se développer très tôt chez l’enfant éduqué librement hors de tous les conditionnements.
Cette présentation est bien sûr non exhaustive mais elle permet d’apporter un éclairage sur la réflexion commune que nous proposons. Notre « Coordination Athée Francophone » nouvellement créée est une pierre nouvelle apportée à la construction contemporaine.
Il faudrait faire une distinction entre l’espace public (la rue) et l’espace civique (L’espace des institutions de l’État, comme la santé, l’éducation, la justice, la fonction publique etc..).
Dans l’espace public, la convention internationale des droits de l’homme et la plupart des chartes occidentales accordent le droit de religion (et celui de manifester sa religion dans la convention internationale) de telle sorte qu’il serait difficile de confiner le religieux uniquement dans l’espace privé.
Par contre, dans l’espace civique, le droit de manifester sa religion peut être restreint par une règle dont le caractère raisonnable peut être démontré dans le cadre d’une société libre et démocratique. (ex: interdiction des signes religieux ostentatoires, privilèges fiscaux, financements des écoles religieuses privées etc.)
Dans l’espace public, le port de la burqua peut être aussi interdit pour des raisons de sécurité publique.
Merci Pierre de ta lecture attentive.
Je connais cette distinction entre l’espace public (la rue) et l’espace civique (L’espace des institutions de l’État, comme la santé, l’éducation, la justice, la fonction publique etc..) mais je parlais bien de l’espace public.
Parler d’un espace public neutre et apaisé serait une évolution notoire de la laïcité, cette évolution devient chaque jour plus nécessaire face au développement de l’islam et de l’islamisme en particulier.
La définition de la laïcité au début du 20e siècle correspondait à la situation et aux religions présentes en France. La situation du 21e siècle est bien différente avec une religion combattante qui entre dans le jeu politique.
Il va de soi que la confusion cultuel vs culturel vaut spécifiquement pour la France. Au Québec, ce sont plutôt les dons aux institutions religieuses qui sont déductibles d’impôt.
Mais il existe un autre terrain qui, lui, est commun à la situation des deux pays: le financement des écoles privées confessionnelles, qui devrait faire partie d’une remise en question. L’enjeu dépasse évidemment la seule question confessionnelle. Mais le projet de loi attendu incessament au Québec sur la laïcité ne prévoiera vraisemblablement pas d’étendre l’interdiction de porter des signes religieux aux enseignants des écoles privées, ce qui est fort regrettable.