Gaspard Angeleri
2015-11-26
Deux amis qui ne s’étaient vus de longue date se retrouvent. Un dialogue s’ensuit.
— Quelles nouvelles depuis notre dernier contact ?
— Rien de particulier ; tout va bien pour moi. Et toi ?
— Pour moi, un grand changement s’est produit. J’ai rencontré Jésus ! Il est devenu mon sauveur et mon ami. Ma vie n’est plus la même.
— J’en suis très heureux pour toi mais de quel Jésus me parles-tu ?
— Eh bien, du Jésus des Evangiles évidemment !
— Tu as donc rencontré un dieu. Tu sais bien que je ne crois en aucun dieu.
— Oui mais Jésus n’est pas « un dieu ». Il est Dieu, manifesté aux hommes. L’Ecriture en porte témoignage.
— Dieu unique ou dieu parmi les dieux, cela ne change rien pour moi. Je ne crois pas en l’existence de ce Jésus précisément parce qu’il est Dieu, ou un dieu, et que, je le répète, je ne crois ni au premier ni aux seconds.
— Mais l’existence de l’homme Jésus comme personnage historique est incontestable. Le contester serait d’un négationnisme des plus absurdes.
— Tu me parles de « l’homme Jésus ». Déguisé en homme ou pas, il est et reste un dieu, et dieu, ça n’existe pas. Tu m’accorderas le droit d’être athée, n’est-ce pas ? Un être qui aurait été conçu par un esprit, qui serait né d’une vierge, qui aurait passé sa vie à guérir des malades incurables, à marcher sur l’eau avant de la transformer en vin, à ressusciter des morts, y compris quand les asticots s’y étaient déjà mis avant de ressusciter lui-même et d’en terminer par une séance de lévitation, ne peut pas être « un personnage », historique ou pas. On ne peut croire en “Jésus” si l’on ne croit pas en dieu(x).
— J’en tombe des nues ! Il y a deux mille ans qu’on célèbre sa naissance partout dans le monde et qu’on s’abreuve de ses paroles.
— Ça ne prouve rien. Pendant des siècles et bien avant l’arrivée du christianisme on a fêté chaque année au solstice d’hiver (proche de notre Noël) l’anniversaire de la naissance de Mithra, « homme-dieu » comme le dieu-Jésus. Des centaines de milliers d’individus, peut-être des millions, ont cru en sa divinité, en sa vie terrestre, en sa mort et sa résurrection après trois jours – comme l’autre – pour le salut des hommes. Aujourd’hui plus personne ne croit que Mithra ait jamais existé. Il est rangé dans le placard des mythes et légendes en compagnie de ses confrères Adonis, Marduk, Sérapis, Tammouz, Dyonisios, où Jésus les rejoindra un jour. La passion de Tammouz ressemble à celle de Jésus, jusque dans le détail.
— Tu pourrais au moins accepter l’existence historique d’un homme Jésus si tu rejettes sa divinité.
— Cela m’est impossible pour deux raisons. La première est que je ne trouve nulle part la biographie d’un Jésus qui n’aurait été qu’un homme. La biographie, si j’ose dire, de l’être central des évangiles est celle d’un dieu-homme, donc d’un dieu, pas d’un homme. Le texte qui me présente cet être n’est qu’un recueil de faits miraculeux, invraisemblables, incroyables, inacceptables. Je ne crois pas aux miracles. Pour l’athée, le contenu des évangiles est un recueil de fables. Comment ne pas en refermer la lecture, si on ne l’a fait avant, quand on arrive, par exemple, à Matthieu XXVII 51 à 53 pour y lire que plusieurs cadavres sont sortis de leurs tombes, propres, vêtus et chaussés, pour aller se promener en ville ? Ce n’est qu’un exemple parmi d’autres qui nous interdisent de prendre les évangiles au sérieux.
— Mais des témoignages extérieurs aux évangiles viennent confirmer l’existence de Jésus.
— Ce ne sont pas des témoignages de contemporains comme on aurait dû en trouver chez Flavius Josèphe par exemple. Ce sont de malhonnêtes extrapolations tardives, souvent maladroites, ou des « témoignages », tardifs eux aussi, basés sur une légende qui s’était déjà transformée en tradition. La seconde raison pour laquelle je refuse d’accepter l’existence d’un Jésus qui ne serait qu’un homme est que j’aurais l’impression d’outrager les chrétiens en rabaissant leur dieu au niveau du vulgum pecus. Je trouve moins dévalorisant à leurs yeux d’en nier l’existence.
— Mais alors qui aurait fondé le christianisme si ce n’est le Christ ?
— Une religion n’a pas forcément besoin d’un fondateur pour apparaître. On pourrait citer des centaines de cas. Le christianisme est un syncrétisme qui s’est développé, plus tardivement qu’on ne le dit officiellement, à partir de croyances préexistantes : le judaïsme, l’essénisme, la gnose et les cultes à mystères. Le mythe de « Jésus » s’est formé progressivement à partir de l’image du Messie juif attendu, des dieux sauveurs des cultes à mystère, du Logos de la gnose et du Maître de Justice des esséniens.
Pour croire en l’existence de « Jésus », il faut d’abord croire en celle d’un « dieu ».
L’athée ne peut voir un dieu dans un homme Jésus ni voir un homme dans un dieu Jésus.
Personne, même moi, n’est capable de dire où j’étais, ce que je faisais, ce que j’ai dit il y a un an.
Mais on sait précisément où était Jésus (un inconnu à l’époque), ce qu’il faisait et ce qu’il disait il y a plus de 2000 ans, époque où presque personne ne savait lire et écrire, c’est formidable non ?
Selon l’évangile de Jean, les dialogues entre Jésus et Ponce Pilate sont si précis qu’on peut deviner les expressions de leur visage !
Alors qu’il n’y avait aucun témoin…