Blogue 145 : Les privilèges fiscaux des religions

Pierre Marchand

Date de publication : 2024-10-20

On apprenait récemment dans le Journal de Montréal que la ville de Montréal avait donné congé de taxes à un centre du MAC où un activiste célèbre les attaques terroristes contre Israël. On peut s’indigner, mais la ville n’avait pas le choix, c’est la loi sur les organismes de bienfaisance enregistrés.

Au fédéral, les organismes de bienfaisance enregistrés (OBE), sont exemptés d’impôt sur le revenu, d’impôt foncier, de taxes municipales et scolaires, et peuvent aussi récupérer une partie des taxes de vente qu’ils ont payées. Pour avoir une idée claire de la situation, notons qu’il y avait au Québec, en 2019, 3701 OBE luttant contre la pauvreté, 2568 œuvrant en éducation et 4330 œuvrant à la promotion de la religion.

Selon Revenu Québec et l’ARC, il y a actuellement 15828 organismes de bienfaisance enregistrés au Québec. Il y en a 3995 à 4156 qui participent à l’avancement de la religion dont 71 à 72 musulmans.

Selon les recherches du professeur Luc Grenon de l’Université de Sherbrooke, les OBE religieux récoltent environ 40 % des dons admissibles au crédit d’impôt, et un OBE religieux sur deux déclare purement et simplement ne pas procurer de bénéfice public, toutes leurs activités étant liées à la foi et au culte. C’est le cas, par exemple, des organisations de sœurs cloîtrées qui consacrent leur vie à la prière.

Le Canada accorde donc le statut d’OBE à des centaines d’organisations qui n’offrent aucun bénéfice social autre que celui de « promouvoir la religion ». « Parmi les organismes religieux, un peu plus de la moitié (521 sur 1039) déclare investir 100 % de leurs temps et ressources à des activités exclusivement liées à la foi ou au culte religieux ».

Il faudrait donc soustraire l’avancement de la religion (propagande, prosélytisme, pastorale, missionnariat) de la définition des fins de bienfaisance dans les lois fédérales et provinciales, puisque ces activités ne bénéficient qu’aux organismes eux-mêmes. Si les églises soutiennent des œuvres de charité, fort bien, qu’elles puissent déduire leur contribution, mais leur propagande, non.

Au Québec, l’article 204 de la Loi sur la fiscalité municipale stipule qu’est exempt de toute taxe foncière, municipale ou scolaire,

« 8° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’une corporation épiscopale, d’une fabrique, d’une institution religieuse ou d’une Église constituée en personne morale, et qui sert principalement soit à l’exercice du culte public, soit comme palais épiscopal, soit comme presbytère, à raison d’un seul par église, de même que ses dépendances immédiates utilisées aux mêmes fins »

et

« 12° un immeuble compris dans une unité d’évaluation inscrite au nom d’une institution religieuse ou d’une fabrique, utilisé par elle ou gratuitement par une autre institution religieuse ou une autre fabrique, non en vue d’un revenu mais dans la poursuite immédiate de ses objets constitutifs de nature religieuse ou charitable, de même que ses dépendances immédiates utilisées aux mêmes fins ».

Cette loi a été adoptée en 1979. Avant cette date, cela pouvait aller de soi, il n’y avait que deux religions qui étaient actives et utiles, mais en pleine révolution tranquille, le clergé et ses sympathisants ont sans doute voulu assurer leurs arrières. Mais les choses ont changé. Il y a maintenant des centaines de sectes et religions se prévalant de cette exemption. Il y a également des exonérations de TPS et de TVQ pour les organismes dits de bienfaisance.

Il serait peut-être temps que le gouvernement du Québec abroge cet article. Il n’est plus raisonnable que les municipalités, et donc tous les payeurs de taxe foncière financent cette exemption. Si ces organismes se chargeaient dans le passé de l’éducation, de la santé et des soins aux aînés, ce n’est plus le cas, puisque c’est l’État du Québec qui défraie les coûts des systèmes publics. L’État étant désormais laïc, il doit harmoniser ses lois avec cette définition.

(Il n’est pas normal que les citoyens, surtout les incroyants, payent pour ces institutions. Si les croyants y croient au point des vouloir les financer, libre à eux.)

Ces organismes en ont-ils les moyens ? Oui, selon Marie-Claude Girard.

Mais le Québec peut-il agir seul sans la modification des lois fédérales ?


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