David Rand
2020-04-16
Notre Question
En décembre 2019, nous chez LPA avons expédié une lettre à chacun de quelques 35 ou 40 organismes au Canada hors Québec (le fameux RoC = Rest of Canada), demandant à chaque organisme s’il avait pris une position formelle sur la Loi 21 du Québec. La plupart ont été rejoints par courriel (si nous en trouvions une adresse), tandis que quelques-uns ont été contactés par le biais d’un formulaire sur le site web de l’organisme. Plus précisément, notre lettre posait la question suivante : « Votre association fera-t-elle entendre sa voix pour affirmer son appui à cette législation laïque québécoise, la Loi 21, contre les attaques sans scrupules dirigées contre elle ? »
Nous avons d’abord reçu très peu de réponses et avons donc fait un deuxième envoi en mars 2020, ce qui a attiré plusieurs autres réponses. Un résumé de toutes ces réponses est maintenant disponible sur ce site. Les résultats ne sont pas très jolis. En somme, personne ne donne son appui à la Loi 21. Plusieurs organismes se prétendent neutres, mais dans la plupart des cas, leur neutralité penche plutôt fortement vers le côté « contre ».
Les réponses
Ces résultats sont décevants, certes. Mais personnellement je n’en suis pas surpris. Lors d’une entrevue pour le site Conatus News en 2018, j’ai déclare :
Il n’existe aucun mouvement pour la laïcité au Canada hors Québec. Cette déclaration peut sembler extrême, mais il s’agit d’une simple observation. Il y a bien sûr un certain nombre de partisans de la laïcité éparpillés à travers le Canada, et bien davantage se rallieraient sûrement à la cause laïque s’il était possible d’en débattre ouvertement et sans entrave, mais ils sont réduits au silence, intimidés par les pseudo-laïques qui ajoutent leurs fortes voix au vacarme de diabolisation. La cause de la laîcité est neutralisée au Canada hors Québec.
Les réponses à notre lettre confirment mes propos de 2018 : s’il y a des sécularistes dans le RoC, ou bien ils se taisent par gêne, ou bien ce qu’ils prônent n’est pas tout à fait la laïcité.
Petit rappel de la situation
Il existe plusieurs arguments très solides pour interdire le port de signes religieux, comme le fait la Loi 21, et nous développons un bon nombre de ces arguments dans des textes sur ce site web. En voici trois des meilleurs, sans doute les plus importants :
- Interdire la publicité religieuse dans la fonction publique et dans les écoles publiques protège la liberté de conscience (qui englobe à la fois la liberté de religion et la liberté de s’affranchir de la religion) des usagers des services civils et des étudiants dans les écoles. Les signes religieux portés par les employés d’État au travail sont aussi inacceptables que ceux accrochés aux murs.
- Ces interventions envoient un message fort sain à l’ensemble des citoyens : Les lois adoptées démocratiquement par des êtres humains, ici dans le monde réel, ont préséance sur toute loi « divine » dictée par une hypothétique puissance surnaturelle. Les croyants ont le plein droit de pratiquer leur religion en dehors du travail, mais s’ils travaillent au gouvernement, leurs devoirs de fonctionnaire ont la priorité.
- Vu la situation géopolitique actuelle où l’islam politique fait des avancées importantes, un de ses principaux outils de propagande étant la promotion du port du voile partout et n’importe où, dans le but de normaliser ainsi sa marque, la Loi 21 trace une ligne dans le sable et déclare, « Jusqu’ici mais pas plus loin. » Et elle le fait sans discrimination, en s’appliquant à toutes les religions. Les fanatiques qui refusent de se conformer à la loi s’excluent eux-mêmes. La loi 21 n’est pas plus discriminatoire que les limites de vitesses qui « discriminent » les propriétaires de véhicules haute performance.
N’importe lequel de ces trois points suffirait à lui seul pour justifier la Loi 21. Pris ensemble, ils constituent une base en béton.
Quant aux arguments contre la Loi 21 (mis à part la diffamation, c’est-à-dire les accusations spécieuses d’« intolérance » et pire), il n’y en a qu’un seul, et il est extrêmement faible : l’argument selon lequel la liberté religieuse des fonctionnaires devrait avoir préséance sur les droits et libertés des usagers et des étudiants. Cette idée revient à accorder une liberté religieuse absolue — donc un privilège religieux — à une minorité peu nombreuse tout en négligeant et bafouant les droits de la très grande majorité, y compris les élèves vulnérables. D’ailleurs, cette approche est incompatible avec la laïcité car elle ne respectent pas la séparation entre État et religions.
Du rouge à lèvres sur un cochon
La BCHA s’oppose catégoriquement à la Loi 21, mais là, il n’y a strictement rien de nouveau. Cette association mal famée se distingue depuis quelque temps par son anti-laïcité, expliquée dans un blogue précédent.
L’opposition de la CSA semble à prime abord moins catégorique car, à son avis, « les interdictions de signes religieux sont excessives et inutiles dans la plupart des emplois de la fonction publique… », mais au second regard, s’avère aussi problématique. Que veut dire au juste « la plupart » ? La CSA n’indique pas du tout dans quel contexte, s’il y a lieu, elle trouverait une telle interdiction nécessaire. La CSA se fout-elle complètement du droit des élèves à une éducation libre de partisanerie prosélyte ? Si elle n’accepte pas que l’on interdise le port de signes religieux aux enseignant(e)s, alors où donc peut-on les interdire selon elle ? Aux policiers et policières ? Aux juges ? Le stratagème de la CSA est typique des anti-laïques : une forte opposition à la Loi 21 mais l’imprécision de ce qu’ils feraient à la place. À moins que la CSA fasse une déclaration publique pour indiquer les contextes où elle proposerait d’interdire les signes religieux, nous pouvons convenablement supposer que sa position ne diffère pas sensiblement de la position absolutiste qui s’oppose à toute interdiction, sans exception. Et qu’en est-il des autres dispositions de la Loi 21 ? Si la CSA était réellement laïque, elle n’hésiterait pas à donner son appui à la Loi 21, quitte à en critiquer certains éléments et proposer des modifications à ceux que la CSA trouverait excessifs.
Quant à Humanist Canada, il se prétend neutre. Il y a des situations dans la vie où la neutralité est défendable, voire recommandable, mais certainement pas ici. L’opposition actuelle à la Loi 21 est farouche, fanatique, irrationnelle et menée par l’extrême-droite islamiste avec l’aide de ses dupes (avec, en tête, la gauche régressive). Jusqu’à date, une vingtaine de villes canadiennes et plusieurs provinces ont adopté des résolutions pour condamner la Loi 21 dans les termes les plus extravagants, comme si le Québec était un véritable cloaque de persécution religieuse, ignorant complètement le fait que la Loi 21 étend et protège les droits. Plusieurs organismes munis de ressources importantes contestent actuellement cette Loi devant les tribunaux. La laïcité est menacée non seulement au Québec mais partout, et particulièrement en France. Le Québec est visé, car il choisit ce modèle français pour sa législation. Les athées, humanistes et autres qui se prétendent « secularists » ont le devoir d’appuyer cette initiative québécoise et de s’opposer à ses ennemis redoutables.
Dans de telles circonstances, la position adoptée par HC sur la Loi 21 est d’une lâcheté abjecte. Il affiche une ignorance totale de la laïcité. Il néglige complètement les droits des élèves et des usagers de services civils. Il déclare des faussetés évidentes, par exemple, que cette Loi opposerait les libertés individuelles fondamentales aux valeurs séculières essentielles. (Au contraire, la Loi 21 applique les valeurs séculières afin d’étendre ces libertés.) Mais pis encore, HC veut maquiller un cochon avec du rouge à lèvres en essayant de faire passer sa lâcheté pour une vertu. La maison est en feu, les flammes sont violentes et meurtrières. Mais Humanist Canada ne fait rien, car elle demeure neutre et « non dogmatique ». HC n’est ni pro-feu ni anti-feu. Si ça, c’est de l’« humanisme », alors ce mot ne veut plus rien dire.
CFI Canada n’a pas daigné répondre à notre lettre, mais son rejet de la laïcité est bien connu, et ce, depuis des années.
Conclusion
S’il existait au Canada hors Québec un mouvement pour la laïcité, nous aurions reçu bien davantage de réponses à notre lettre et ces réponses auraient été majoritairement positives, probablement avec quelques critiques constructives. Mais au contraire, les réponses ont été extrêmement négatives. Il est bien entendu possible que nous recevions encore quelques réponses à notre question ; par exemple, le groupe Canadian Atheists basée en Colombie-Britannique (à ne pas confondre avec un certain site web anti-laïque qui porte un nom semblable) a promis de faire une déclaration publique à ce sujet. Mais selon les réponses (et les non réponses) jusqu’à date, la conclusion est évidente : Aucune association au Canada hors Québec appuie la laïcité, c’est-à-dire la laïcité complète, incluant la séparation entre religion et État.
S’opposer à la Loi 21, c’est s’opposer à la laïcité. Cette constatation évidente, c’est le gros bon sens.
Cette mise au point confirme mon expérience personnel. Je n’ai pas rencontré un seul appuie dans la gauche multiculturaliste et communautariste ontarienne à la Loi 21. Le NPD-Ontario n’a même pas répondu à mes lettres sur la Loi 21. Il est vrai que y exprimant mon appuie à la laïcité québécoise, mes lettres ne cadraient pas avec la religion du Canada anglais de la droite à la gauche: le multiculturalisme. Cependant, deux militant syndicaux que je connais appuient la laïcité québécoise. Voyez vous plus de 35-40% des Ontariens appuient la Loi 21, mais personnes ne les représentent. Bien au contraire on nous insultent: racistes, islamophobes, antisémites, xénophobes sont les insultes les plus courantes.
Cher David,
Notre conception de la laïcité n’est pas celle universellement reconnue.
Les canadiens hors QC n’ont pas la même conception que nous. La laïcité repose sur la LIBERTÉ et non sur une privation de liberté. La LIBERTÉ c’est de pouvoir pratiquer la religion de son choix et de pouvoir afficher son appartenance religieuse entre autre par des signes ostentatoires à tous les niveaux de la société, y compris dans l’organigramme gouvernemental.
La qualité complémentaire de la liberté est la tolérance. Or la loi 21 vient brimer la seconde composante et exprime une intolérance à l’égard de l’expression d’appartenance religieuse.
L’ intolérance à l’égard de l’expression d’appartenance religieuse n’est pas une propriété de la laïcité mais de l’antithéisme.
Je suis athée antithéiste mais je comprend la réaction des groupes qui se disent tout en ne supportant pas la composante intolérante de notre laïcité. Vive la loi 21.
Vous faites de la propagande anti-laïque. Le conflit n’est pas entre deux conceptions de la laïcité. Il est entre :
(1) la laïcité, la vraie ; et
(2) l’anti-laïcité (souvent dite « ouverte ») qui se déguise malhonnêtement en « secularism » et dont vous faites l’apologie.
La laîcité doit protéger la liberté de conscience, surtout celle des enfants à l’école. Vous vous foutez éperdument de ces enfants. Vous ne les mentionnez même pas.
Il y a un conflit entre deux libertés :
(1) celle des employés de l’État de porter n’importe quoi n’importe quand, même de la propagande religieuse au travail ; et
(2) celle des enfants à l’école et des usagers des services civils à un environnement libre de prosélytisme religieux.
La Loi 21 propose une bonne solution à ce problème, une bonne résolution : Les fonctionnaires et enseignants doivent s’abstenir de porter des signes religieux au travail, mais ils ont la pleine liberté en dehors du travail. Comme cela les droits des élèves et des usagers sont protégés, comme la laïcité se doit de le faire, tandis que la liberté des fonctionnaires est peu restreinte.
Tandis que vous, vous proposez de laisser aux fanatiques religieux le privilège de continuer à faire de la publicité religieuse dans la fonction publique et de l’endoctrinement religieux dans les écoles. Vous vous occupez seulement de la liberté des fonctionnaires. Vous négligez complètement celle des usagers et des élèves.
Le port des signes religieux doit être interdit aux fonctionnaires, tout comme la partisanerie politique est déjà interdite au Québec par la Loi sur la fonction publique.
À la fin de votre commentaire, vous écrivez « Vive la loi 21. » Est-ce du sarcasme ? Ou de l’hypocrisie ?
2. Ces interventions envoient un message fort sain à l’ensemble des citoyens : Les lois adoptées démocratiquement par des êtres humains, ici dans le monde réel, ont préséance sur toute loi « divine » dictée par une hypothétique puissance surnaturelle.
C’était déjà le thème d’Antigone de Sophocle, 441 av. J.-C
Mais la transgression des lois humaines ou l’obéissance aux lois divines, c’est la mort !!!
Vous m’attribuez faussement de faire l’apologie du sécularisme.
J’essayais simplement de comprendre quelle différence de conception de la laïcité pouvait expliquer la réaction (ou son absence) des canadiens.
Je suis pour la loi 21.
Si vous êtes pour la Loi 21, très bien.
Mais alors pourquoi essayez-vous d’excuser le comportement anti-laïque des organisations qui se disent hypocritement laïques mais qui s’opposent à cette Loi? Je sais très bien qu’ils ont une autre « conception de la laïcité » — c’est-à-dire une fausse conception, parce qu’ils ignorent le concept de séparer l’État et les religions. Vous ne m’apprenez rien, sauf votre complaisance à l’égard de ces anti-laïques.
Il ne suffit pas de comprendre le « sécularisme » des ceux qui s’opposent à la Loi 21. Il faut le DÉNONCER.