David Rand
Dans une déclaration récente (22 mai 2013) rapportée par Radio Vatican, le pape François a déclaré que tout le monde peut faire le bien, non seulement les catholiques, même les athées. Les propos du pape peuvent même être interprétés dans le sens que la rédemption serait disponible aux athées, car « Tous nous avons été sauvés par le sang du Christ, et devons faire le bien. […] Faire le bien, explique le Pape, n’est pas une question de foi, c’est un devoir, une carte d’identité que le Père nous a donnée à tous, parce que nous sommes faits à son image et à sa ressemblance. Et lui fait le bien, toujours. »
Ce fin finaud de François
Il faut reconnaître que ce pape est assez astucieux de faire une telle déclaration qui épatera sans doute les badauds. Dans un contexte où l’Église est aux prises avec des scandales qui nuisent énormément à son prestige, et où la violence religieuse (principalement mais pas exclusivement musulmane) devient de plus en plus évidente, une belle déclaration en faveur de l’ouverture et la promotion de la paix paraît très bien. Mais permettons-nous de rester un peu sceptiques devant l’assertion du pape que « tuer au nom de Dieu est une injure », après deux mille ans d’obscurantisme catholique incluant de nombreux cas de tueries légitimées par la mythologie chrétienne. Mais mieux vaut tard que jamais.
Le préjugé anti-athée, assimilant l’athéisme à l’immoralité ou à l’amoralité, fait partie intégrante de toute idéologie monothéiste comme le christianisme. N’oublions pas que ce même François (Bergoglio de son vrai nom) a rédigé dans les années 1970 l’énoncé des principes fondateurs de l’Université del Salvador, desquels la lutte contre l’athéisme est le premier.
Mais depuis quelques années les athées sont devenus suffisamment visibles pour que la fausseté de cette équation devienne, elle aussi, de plus en plus évidente. L’irrationnel étant indissociable de la religion surnaturelle, cette évidence n’empêche pas bon nombre de chrétiens de continuer à propager ce préjugé. Toutefois, l’Église catholique, avec son nouveau pape au timon, ne peut se permettre de paraître aussi intransigeante dans sa déraison. Il faut qu’elle soigne un peu son image.
Le leurre de l’évolutionnisme théiste
Il est révélateur de mettre la déclaration de François en parallèle avec celle du pape Jean-Paul II, faite dans un discours devant l’Académie pontificale des sciences en 1996. Jean-Paul a admis que la théorie de l’évolution est « plus qu’une hypothèse ». Cette acceptation de l’évolution par le chef de l’Église Catholique a été accueillie avec enthousiasme – et naïveté – par plusieurs scientifiques, surtout ceux et celles qui se battent contre le créationnisme si populaire chez les protestants intégristes et chez les musulmans. Mais dans le même discours, Jean-Paul a aussi dénoncé toute théorie matérialiste qui voit « l’esprit comme émergeant des forces de la matière vivante », et il n’a pas répudié la théorie de l’insertion par dieu de l’âme dans l’homme, théorie énoncée par Pie XII dans son encyclique Humani Generis en 1950.
Jean-Paul a donc donné l’impression d’avoir accepté un élément majeur de la science moderne, tout en conservant l’essentiel du dogme catholique incompatible avec cette science.
Limiter les dégâts
Il faut voir la récente déclaration de François sous une même lumière. Tout en propageant une image d’ouverture à la diversité des croyances et des incroyances, ce nouveau pape conserve très bien l’essentiel de la doctrine de son Église. Car, selon lui, c’est « Dieu », le dieu chrétien bien sûr, le dieu dont il prétend être le seule porte-parole légitime sur terre, qui accorde cette grâce aux athées comme à tout le monde. C’est le prince de l’Église qui nous communique la bonne nouvelle de ce geste si généreux de reconnaissance de la bonté potentielle des non-catholiques. Car la source même de cette bonté se trouve justement dans ce dieu, à l’image duquel nous sommes, selon l’Église, tous faits. L’autorité morale exclusive du pape n’est aucunement menacée. Au contraire…
Et comme la déclaration de Jean-Paul a très bien réussi a impressionné le public, y compris bon nombre de non adhérents de l’Église, voire des scientifiques, je prédis, même sans boule de cristal, que celle de François récoltera une succès semblable. Elle sera accueillie avec une complaisance et une naïveté lamentables de bon nombre de dupes.
Faire l’impossible
Comble d’ironie, le pape a terminé son discours du 22 mai en rappelant que cette journée était la fête de Sainte Rita, Patronne des causes désespérées. Faire rimer le dogme catholique avec la science moderne, c’est effectivement un projet fantastique et impossible, mais François a quand-même réussi un excellent tour de passe-passe dans le but de faire croire à sa possibilité !
Références
- « La culture de la rencontre construit la paix », Pape François Ier, Radio Vatican, 2013-05-22
- Principes de l’Université del Salvador (Buenos Aires), Jorge Mario Bergoglio, 1974
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