Blogue 144 : Fanatisme ostentatoire autour du réseau des pensionnats pour autochtones

David Rand

Date de publication : 2024-10-07

Le réseau des pensionnats pour autochtones au Canada a été au premier plan de l’actualité récemment, avec pour point culminant la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation le 30 septembre 2024. Ce réseau a existé pendant plus d’un siècle, jusque vers la fin du XXe siècle. Son but apparent était de séparer les enfants autochtones de leurs familles et de les assimiler à la culture européenne dominante, tout en minimisant ou en supprimant la culture, les religions et les langues de ces peuples autochtones.

En 2015, la Commission a publié son rapport final. Selon ce rapport, […] ce réseau constituait donc un génocide culturel visant les peuples autochtones.

Une Commission de vérité et de réconciliation a été établie en 2008, ayant pour mandat de documenter et d’enquêter sur ce réseau. En 2015, la Commission a publié son rapport final. Selon ce rapport, le but principal du réseau des pensionnats était de « faire en sorte que les peuples autochtones cessent d’exister en tant qu’entités légales, sociales, culturelles, religieuses et raciales au Canada » et que ce réseau constituait donc un génocide culturel visant les peuples autochtones. Le rapport définit également le génocide physique (« extermination massive des membres d’un groupe ciblé ») et le génocide biologique (« destruction de la capacité de reproduction du groupe »), mais n’utilise pas ces termes pour qualifier le réseau des pensionnats pour autochtones.

En 2021, la présence possible de tombes anonymes a été détectée à l’aide d’un radar à pénétration de sol à proximité de plusieurs anciennes écoles du réseau. (Le mot « possible » revêt ici une importance capitale.) Cette découverte a fait surgir le spectre d’un véritable génocide physique. Des spéculations sur des atrocités innommables commises au nom du Canada ont circulé à l’échelle internationale. Comme l’administration de ces écoles avait été déléguée à diverses églises, notamment catholiques, on a assisté à une vague d’incendies criminels et de vandalisme visant des églises chrétiennes, dont certaines étaient utilisées par des Premières Nations elles-mêmes. Cependant, aucun reste humain — autre que ceux associés à des cimetières connus — n’a été retrouvé. Et actuellement, au moment où j’écris ces lignes vers la fin de 2024, à ma connaissance aucun reste humain n’a encore été retrouvé.

[…] la SHC rejette toute nuance, aplatissant le tout dans une catégorie générique de « génocide ».

En juillet 2021, la Société historique du Canada (SHC) a publié une déclaration affirmant que « l’intention génocidaire » du réseau des pensionnats « a été amplement établie ». Toutefois, un groupe d’une soixantaine d’historiens dissidents ont publié, peu de temps après, une lettre ouverte rejetant les allégations de la SHC. Dans une réponse à ces dissidents, le président de la SHC Stephen High révèle (par inadvertance, peut-être) la faille dans son argumentation : « Le génocide culturel est un génocide. » Ainsi, la SHC rejette toute nuance, aplatissant le tout dans une catégorie générique de « génocide ».

Alors, le réseau des pensionnats pour autochtones au Canada a-t-il constitué un génocide culturel ou un génocide physique ? La différence est cruciale car elle est énorme. Un génocide physique placerait le réseau dans une catégorie similaire à celle des camps de la mort nazis. Est-ce vraiment sensé ? Mon opinion personnelle, à la lumière des preuves disponibles jusqu’à présent, est en accord avec celle de la Commission de vérité et de réconciliation lorsqu’elle déclare qu’il s’agit d’un génocide culturel mais pas physique. J’ai exprimé une opinion semblable dans un texte que j’ai rédigé en 2021, bien que, si je devais l’écrire aujourd’hui, j’y ajouterais une forte note de cynisme en vertu des événements qui se sont produits depuis. Je peux me tromper, bien sûr, mais si c’est le cas, si le réseau des pensionnats a effectivement constitué un génocide véritablement physique, alors je veux le savoir. En particulier, je veux savoir si certaines des tombes anonymes suggérées par le balayage radar étaient réelles ou non. Mais jusqu’à présent, nous ne disposons pas de données suffisantes.

Censurer la dissidence

En septembre 2024, la députée fédérale néo-démocrate Leah Gazan a présenté le C-413, un projet de loi émanant d’une députée, qui pénaliserait « la haine contre les peuples autochtones en cautionnant, en niant, en minimisant ou en justifiant le système des pensionnats indiens » et qui punirait les infractions d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison. On ne sait pas exactement ce qui constituerait une infraction à cette loi, en particulier l’accusation de « minimiser », si elle est adoptée. Prétendre que le système des pensionnats autochtones constituait un génocide culturel mais pas un génocide physique deviendrait-il un acte criminel ? L’auteure de ce projet de loi veut-elle faire incarcérer les membres de la Commission de vérité et de réconciliation ? Les historiens dissidents, en désaccord avec la SHC, seraient-ils également jetés en prison ? Ce blogue serait-il illégal en vertu du projet de loi C-413 ?

Ce projet de loi est draconien, orwellien et franchement stupide. Au lieu d’aider à élucider le problème, cette loi étoufferait la liberté d’expression, réduirait au silence toute personne ayant une opinion légèrement divergente et empêcherait le débat public et la recherche qui sont nécessaires pour se rapprocher de la vérité. Pour empirer les choses, le C-413 emprunte le pire aspect possible — l’exception religieuse — à la loi canadienne sur la propagande haineuse (dans le Code criminel) en excluant de toute poursuite « une opinion sur un sujet religieux ou une opinion fondée sur un texte religieux auquel il croit ». Et ce, malgré le fait généralement reconnu que l’endoctrinement religieux, plus spécifiquement chrétien, était un aspect majeur du bagage culturel imposé par le réseau des pensionnats.

« Où sont les cadavres ? »

À la lumière du manque de preuves concrètes de génocide physique, la question « Où sont les cadavres ? », toujours pertinente pour toute accusation impliquant la mort, a été largement répétée, et à juste titre. D’un autre côté, le battage médiatique autour du réseau des pensionnats, en particulier ce projet de loi qui imposerait une « vérité » très douteuse à la population du Canada, a conduit à une vague de fanatisme contre la dissidence. Voici deux exemples tirés de Twitter/X.

En réaction à une chronique de Joseph Facal, dans le Journal de Montréal, dans laquelle Facal observe que les fouilles nécessaires, pour établir la présence ou non de cadavres, n’ont pas eu lieu, un gazouilleur montréalais traite Facal de « goule ».

Gazouillis 1

De même, pour marquer la Journée de la vérité et de la réconciliation, un « influenceur » de la Saskatchewan a lancé un gazouillis menaçant de bloquer instantanément tout individu coupable de « négationnisme » à l’égard du réseau des pensionnats, car « certaines choses ne sont pas sujettes à débat », accompagné d’une courte vidéo contenant un message similaire.

Gazouillis 2

J’ai republié son gazouillis en ajoutant ce commentaire :

« Cette vidéo illustre l’importance de nous opposer au projet de loi C-413 qui interdirait le ‘négationnisme des pensionnats.’ Les pensionnats autochtones canadiens ont-ils constitué un génocide culturel ? Ou physique ? Nous ne le saurons peut-être jamais, car ce fanatique moralisateur veut étouffer tout débat. »

La croyance que le réseau a constitué un génocide, avec l’intention de massacrer littéralement un grand nombre d’enfants autochtones, est devenue un dogme, et malheur à quiconque ose défier cette doctrine approuvée par l’État. Toute dissidence est qualifiée de « négationnisme », apparemment aussi grave que la négation de l’Holocauste nazi. Une telle exagération est malicieuse.

Quiconque n’est pas d’accord est un hérétique et doit être excommunié. Une question telle que « Où sont les cadavres ? » représente un blasphème.

Les commentaires de ce type sur les réseaux sociaux sont clairement performatifs, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une performance publique, certes laide et odieuse, mais néanmoins performative. C’est ce que l’on appelle parfois du « signalement de vertu », mais je l’appelle du fanatisme. Leur but est de gonfler l’égo de celui qui fait le commentaire et, surtout, d’affirmer sa supériorité morale devant un public aussi vaste que possible. Ils le font en dénigrant quiconque pourrait différer de leur dogme. Dans ce cas, le dogme est la croyance que le réseau des pensionnats pour autochtones constitue un génocide, pas seulement culturel, mais plutôt physique, du pire genre qui soit. Quiconque n’est pas d’accord est un hérétique et doit être excommunié. Une question telle que « Où sont les cadavres ? » représente un blasphème.

Espérons que le projet de loi C-413 meure au feuilleton et ne soit jamais adopté. La mesure nécessaire, celle que nous exigeons, est que des fouilles soient effectuées sur les sites où la présence de tombes anonymes a été alléguée. Nous avons besoin de données concrètes. En attendant de les obtenir, nous devons continuer à poser la question « Où sont les cadavres ? » Non seulement en dépit du fait que cette question est interdite, mais aussi parce qu’elle est interdite et blasphématoire.


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