L’indignation sélective, Christian Rioux, Le Devoir, 2020-02-07.
En France, le délit de blasphème a été aboli en 1791. La disparition de ce « péché de bouche », comme on disait à l’époque, sera coulée dans le ciment de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Depuis, du point de vue du droit, la religion est en France une idée comme les autres que chacun est libre de critiquer et même de dénigrer. Exactement comme on a le droit de dire que le communisme est une horreur ou l’astrologie, une superstition.
Ce rappel n’est pas inutile alors que, depuis deux semaines, une jeune fille de 16 ans des environs de Lyon est traînée dans la boue et menacée de mort et de viol pour avoir insulté l’islam. Dénigrée sur le Net à cause de son homosexualité, Mila a répondu à ses détracteurs : « Je déteste la religion, le Coran, il n’y a que de la haine là-dedans. […] Votre religion, c’est de la merde. » Je vous épargne la suite.
On peut juger ces propos orduriers, et ils le sont. Néanmoins, le droit et la jurisprudence confirment qu’ils n’ont rien d’illégal. Contrairement à l’Autriche où l’article 188 du Code pénal condamne toute « humiliation du dogme religieux », en France, on est libre de diffamer tous les dieux et toutes les croyances à condition de ne pas s’attaquer aux croyants. […]
Le plus étonnant, toutefois, dans cette affaire, c’est le silence assourdissant qu’elle a suscité à gauche ainsi que dans les milieux néoféministes, de défense des droits de l’homme et LGBT. Une jeune fille est menacée de mort et de viol à cause de son orientation sexuelle et de sa critique de l’islam, or les organisations qui ont théoriquement pour tâche de la défendre sont muettes comme des carpes. Même les artistes dits progressistes, pourtant si prompts à dénoncer la « culture du viol », regardent leurs souliers. […]
Radio-Paris ment, Michel Onfray, michelonfray.com, 2020-02-05.
Jour après jour, l’affaire Mila agit comme un révélateur photographique: à cette heure-ci, elle fournit une magnifique photo de famille grand format des premiers acteurs de la France soumise – pour reprendre le vocabulaire de Michel Houellebecq. […]
Cette affaire permet d’effectuer un cliché très net de ceux qui travaillent non sans ardeur à cette fameuse Soumission analysée de façon romanesque par Michel Houellebecq. […]
L’affaire Mila est très inquiétante, car beaucoup de Français semblent avoir oublié que le blasphème n’est pas un délit dans ce pays, et que Mila avait parfaitement le droit de critiquer une religion, que ses propos soient vulgaires ou polis étant sans importance. Mais parce qu’elle a insulté l’islam, les idiots utiles des islamistes, qui cherchent à gagner une impunité totale pour cette religion, ont négligé de défendre Mila comme il aurait fallu le faire.
Voir aussi :
- En France, une étudiante menacée de mort après avoir critiqué l’islam, Maria Elena Bucheli,Agence France-Presse à Paris, 2020-02-05.
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