David Rand
2018-05-10 (modifié 2018-05-14)
Le 1er février 2018, le rapport du Comité permanent du patrimoine canadien, intitulé « Agir contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie », a été déposé devant la Chambre des communes. Ce rapport est le résultat d’une série d’audiences tenues par le Comité en 2017 pour étudier les prétendus problèmes soulevés par la motion M-103, adoptée par le Parlement le 23 mars 2017 et qui condamne « l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques ».
Nous, de Libres penseurs athées, n’avons ni préparé de mémoire à présenter au Comité ni demandé de témoigner lors des audiences. Nous nous opposons catégoriquement à la M-103 (voir par exemple Motion M-103, une étape majeure vers la recriminalisation du blasphème) et trouvons le processus complètement biaisé depuis le début. De plus, nous étions convaincus que nos interventions seraient fort probablement refusées de toute façon.
Le rapport du comité
Or, dans ce rapport, nous constatons les témoignages d’un grand nombre de groupes religieux. Mais, effectivement, aucun groupe laïque, ni athée, ni humaniste n’a été retenu comme témoin. La seule présence athée parmi les témoins, à ce que nous pouvons voir, a été Ali Rizvi, auteur du livre The Atheist Muslim, qui a témoigné à titre personnel. M. Rizvi a fait plusieurs observations bien pertinentes citées dans le rapport, par exemple :
« [D]es organisations comme les Frères musulmans […] ont popularisé le terme “islamophobie” pour une raison très astucieuse. Elle leur permet d’exploiter la souffrance des vraies victimes de la haine contre les musulmans à des fins politiques pour étouffer toute critique de la religion. »
Mais cette clarté de pensée est rare dans le rapport.
Dans son excellent blogue Quand les religions s’invitent à Ottawa, Louise Mailloux expose les graves dangers que représentent les recommandations du rapport du comité, et ce, dès la première qui élargit la portée des programmes anti-racistes pour les étendre à la discrimination religieuse, amalgamant ainsi race et religion. Cela permettra donc « aux différents groupes religieux de détourner à leur avantage des programmes et des mesures proposés pour lutter contre le racisme. » Cela veut dire que, dorénavant, la critique des religions peut être condamnée comme raciste !
Reconnaître les impostures
Pour ne pas se faire leurrer par les idéologues qui véhiculent par intérêt plusieurs impostures, il convient de rappeler ces points essentiels :
- La confusion délibérée entre race et religion est une stratégie de l’islam politique. La race concerne des attributs immuables des personnes, tandis que la religion — quand elle s’exerce librement — est un choix. Confondre les deux revient à nier la liberté de conscience, à enfermer chaque personne dans la religion de son milieu de naissance.
- L’utilisation du terme « islamophobie » comme accusation est une autre stratégie de l’islam politique pour faire avancer son idéologie. Avoir peur de l’islam (ou de toute autre religion ou idéologie) n’est ni irrationnel, ni répréhensible.
- Dire que l’« islamophobie » serait une forme de racisme est un mensonge grossier.
- De façon générale, les islamistes instrumentalisent les concepts et le langage des droits humains afin de lutter contre les droits humains, c’est-à-dire pour faire avancer leur programme liberticide. Cela s’appelle le « djihad juridique ». Un exemple : la campagne de Zunera Ishaq pour gagner, devant les tribunaux, le « droit » de porter son niqab même durant sa cérémonie de citoyenneté, le but étant de banaliser le port du voile intégral un peu partout. Les recommandations de ce rapport en sont un autre exemple évident : au nom de la lutte contre le racisme, on protège et on habilite les idéologies religieuses.
Des « humanistes » répudient la laïcité
Un peu perdu parmi ces événements, il s’est passé un petit quelque chose de très particulier, mais très lourd de conséquences. Même s’ils n’ont pas été retenus pour témoigner, deux groupes séculiers, ou prétendument séculiers, ont tout de même présenté chacun un mémoire. L’organisation Secular Connexion Séculière (SCS) a soumis un mémoire, faisant état de plusieurs aspects de la législation fédérale qui discriminent les athées ; voir à ce sujet sa pétition parlementaire e-1264.
Mais ce qui nous intéresse ici, c’est le mémoire de la British Columbia Humanist Association (BCHA, Association des humanistes de la C.-B.). Il y a un passage extrêmement intéressant au sujet de la laïcité. (Je traduis de l’anglais, mais notez que le mot « laïcité » est en français dans l’original.)
« À partir de la révolution tranquille et un peu comme ce qui s’est fait en France, le Québec a essayé de déplacer la religion de la sphère publique vers la privée. Ce processus s’appelle laïcité en français. Tandis que la laïcité a plusieurs aspects en commun avec le multiculturalisme séculier du Canada anglais, elle prend souvent une allure plus antireligieuse. La différence est évidente dans le débat autour de la Loi 62 au Québec, qui interdit le port de couvre-visage dans l’offre et la réception de services gouvernementaux. Cette loi est vue par beaucoup de gens comme une tentative de discriminer le petit nombre de femmes musulmanes intégristes qui portent le voile intégral. D’aucuns au Québec ont prétendu que cette interdiction serait compatible avec le sécularisme mais nous, et d’autres organisations séculières, rejetons catégoriquement cet argument. La suppression de la liberté d’expression religieuse de l’individu au nom de la laïcité est une atteinte aux libertés de religion et d’expression et incompatible avec notre vision du sécularisme. »
Quant à la critique du terme « islamophobie », le mémoire de la BCHA la rejette comme étant de la « rhétorique extrême » et « pédante ».
Cette déclaration a le mérite de la clarté : la BCHA répudie explicitement et catégoriquement la laïcité. Les « humanistes » de la Colombie-Britannique sont dorénavant antilaïques. On s’en doutait déjà depuis longtemps, surtout depuis l’époque de la Charte de la laïcité en 2013-2014 où la plupart des prétendus sécularistes du Canada anglais (mais heureusement pas tous !) ont refusé d’appuyer la Charte ou même s’y sont opposés. Mais maintenant c’est dit, haut et fort. Ne soyons pas dupes de leur oxymoron « multiculturalisme séculier ». Le multiculturalisme est synonyme de communautarisme et de relativisme culturel, voire de tribalisme, donc incompatible avec l’universalisme de la laïcité qui ne reconnaît pas l’appartenance religieuse des gens.
La laïcité étant la séparation entre les religions et l’État, le fait d’accorder aux croyants employés de l’État le privilège de porter, au travail, des signes ostentatoires de leur appartenance religieuses est inacceptable car cela brise cette séparation. Prioriser la soi-disant « liberté d’expression religieuse » de l’individu au-dessus de toute autre liberté, en particulier la liberté de tous et de toutes de faire affaire avec les services de l’État sans prosélytisme religieux, revient à violer la liberté de conscience de tous et de toutes afin d’accommoder et de privilégier une ou des sectes religieuses particulières.
Les couvre-visage
De plus, le mémoire de la BCHA affiche une incompréhension totale de la Loi 62. Cette dernière fait semblant d’interdire les couvre-visage, mais prévoit des accommodements qui les permettent dans beaucoup de cas. La déclaration de la BCHA représente une capitulation totale devant le djihad juridique, gobant sottement l’idée que porter un drapeau de l’islamisme serait un « droit » inaliénable, en tout temps et en tout lieu, même pour un(e) fonctionnaire de l’État en service.
Finalement, dire que la laïcité serait « antireligieuse » sans préciser le sens de cet adjectif est un reproche vide de sens. Même critiquer les croyances, un exercice tout à fait légitime, voire nécessaire, est considéré par plusieurs comme « antireligieux », alors où est le problème ? Est-ce parce que la laïcité reléguerait la religion dans la sphère privée ? Idée intéressante. Pourtant, la laïcité ne fait pas cela ; au contraire, elle n’évacue la religion que des institutions publiques, c’est-à-dire des institutions de l’État.
Quelle voie emprunteront les autres humanistes ?
Quelles sont les vraies raisons de leur opposition à la laïcité ? Sans pouvoir de télépathie, il serait difficile d’en être sûr. Toutefois, une de leurs raisons est évidente : ces « humanistes » se plient soit par conformisme, soit par lâcheté, à la propagande anti-laïque diffusée par la plupart des politiciens fédéraux et attisée par les partisans et les dupes de l’islam politique. Ils capitulent devant la peur de se faire accuser d’« intolérance » ou de « xénophobie » ou d’un autre péché idoine, des accusations dont le but est d’étouffer tout débat ouvert de ces questions cruciales.
Alors, il faut poser la question : les autres humanistes canadiens vont-ils aussi se déclarer les ennemis de la laïcité, ou vont-ils plutôt prendre leurs distances par rapport à l’imposture de la BCHA ?
Laisser un commentaire