David Rand
2015-10-02
Depuis la récente décision de la Cour d’appel fédérale entérinant le rejet de la prohibition de prêter serment le visage voilé lors des cérémonies de citoyenneté, la question du niqab est devenue un sujet chaud d’actualité. Et puisque nous sommes en pleine campagne électorale, les chefs politiques qui ont sottement déclaré leur accord avec cette décision nous déclarent que cette question n’est qu’une distraction. Selon Thomas Mulcair du NPD cette question n’est qu’une « caricature publicitaire » et que « Les conservateurs se servent du niqab comme d’une distraction ». Justin Trudeau des Libéraux et Elizabeth May du Parti Vert ont des positions semblables.
Pourtant, tout le monde sait que le voile islamiste—surtout ses variantes les plus extrêmes comme le niqab et la burqa—est un symbole de l’asservissement de la femme.
Vous vous souvenez du célèbre roman Notre Dame de Paris de Victor Hugo ? Dans un Paris médiéval étouffé par l’obscurantisme catholique, la vie de la jeune Esmeralda se termine atrocement au gibet. Pour quel crime l’a-t-on exécutée ? Elle était coupable d’avoir enflammé la libido d’un certain prêtre qui, ne pouvant supporter cette envie pécheresse, en rejetait la responsabilité sur sa cible.
Cette même mentalité phallocentrique et rétrograde est la toile de fond du voile islamiste. Ce dernier est un symbole de la pureté féminine et transmet le message que c’est la femme qui est responsable de la sexualité, voire débridée, des hommes. C’est la mentalité du viol. Le port de ce voile indique que la femme qui n’en porte pas, surtout si elle est musulmane, est impure, et les femmes impures, si agressées sexuellement ou violées, méritent sans doute leur sort. De plus, ce voile est un mur virtuel séparant les femmes des hommes, privant chaque femme qui le porte de son identité et de son autonomie, signalant qu’elle n’est que la propriété d’un homme (père, mari, frère, etc.).
Le niqab, comme la burqa, est une sorte de drapeau du mouvement international islamofasciste. C’est un symbole musulman, certes, mais prôné par les musulmans les plus intégristes, les plus radicaux, les plus extrémistes. Banaliser le niqab, comme voudraient le faire Mulcair, Trudeau … et les islamistes, c’est assimiler toutes les musulmanes à cette mouvance extrémiste. Selon le militant laïque Daniel Baril :
Accepter le port du niqab en pareilles circonstances signifie qu’on l’accepte partout et par toutes les femmes, y compris les fonctionnaires, policières, juges, médecins, monitrices de garderie, caissières d’épicerie, etc. Accepter une telle chose signifie que l’on enterre la dignité des femmes et le principe de l’égalité des sexes. Accepter le niqab signifie que l’on renonce aux valeurs républicaines qui ont fait de nos démocraties le moins pire des systèmes politiques et celui qui respecte le mieux les droits de la personne. Accepter le niqab signifie que l’on renonce à la notion même de droit de la personne au non d’un nouveau droit fondamental qui serait celui de se vêtir comme on veut n’importe où et n’importe quand.
On serait tenté de féliciter le gouvernement Harper d’avoir pris la décision de porter ce jugement encore une fois en appel, de ne pas accepter le port du niqab dans les cérémonies de cityonneté. Malheureusement, il est très peu probable que cet appel réussisse, car la démarche du gouvernement se limite à une simple directive ministérielle, tandis que, comme l’avocat Pierre Cloutier l’explique,
La Cour a tout simplement déclaré—avec raison par ailleurs—que la politique du ministre visant à forcer une candidate à la citoyenne [sic] à enlever son voile intégral lors de la cérémonie publique de prestation du serment d’allégeance, était contraire à la Loi sur la citoyenneté et ses règlements
Effectivement, le point 17.1.b du règlement stipule que le juge doit :
faire prêter le serment de citoyenneté avec dignité et solennité, tout en accordant la plus grande liberté possible pour ce qui est de la profession de foi religieuse ou l’affirmation solennelle des nouveaux citoyens;
Règlement sur la citoyenneté, DORS/93-246, Loi sur la citoyenneté
Il aurait donc fallu, pour que le port du niqab puisse être prohibé, abroger au moins cette partie du règlement—et probablement modifier aussi la Charte canadienne des droits et libertés afin que la religion n’ait plus préséance sur les autres considérations—, ce que le gouvernement Harper n’a pas fait et ne ferait probablement jamais, étant donné que sa base électorale comporte bon nombre de chrétiens évangélistes qui favoriseraient le maintien de tout privilège religieux possible dans les lois et règlements du pays. Toutefois, l’opportunisme des conservateurs n’excuse pas l’illogisme des néo-démocrates, des libéraux et des verts.
Il y a des gens qui prônent la prohibition du niqab et de la burqa partout en public, une option qui peut paraître extrême mais que je trouve tout à fait respectable. Mais je n’en demande autant : je n’exige que son interdiction durant les cérémonies officielles comme celle de la citoyenneté. La décision de la cour permettant le niqab, pourtant conforme aux lois canadiennes, est la preuve de l’échec du multiculturalisme canadien, souvent synonyme de relativisme culturel. Ce n’est pas une question du nombre : un seul cas du niqab par siècle serait un cas de trop. Cela ne se réduit pas non plus à une question de sécurité : le fait de valider l’identité de la femme enniqabée avant la cérémonie ne justifie aucunement la présence de cet insigne de la servitude de la femme.
La citoyenneté canadienne est déjà déshonorée par le fait que la nouvelle citoyenne ou le nouveau citoyen doit jurer allégeance à la « reine » du Canada. Quelle absurdité ! Le chef d’état du Canada est un monarque, un poste hérité dont la légitimité se base à l’origine sur le droit divin et, par dessus le marché, le monarque d’un pays étranger ! Faudrait-il abaisser encore davantage cette citoyenneté en permettant la présence du niqab—cette négation des droits humains—durant l’assermentation ?
Rappelons qu’en 2013 une cour ontarienne a statué que la partie du serment de citoyenneté où la personne doit jurer allégeance à la reine, bien qu’elle constitue de la parole forcée et porte atteinte à la liberté d’expression—par exemple, si le nouveau citoyen a des convictions républicaines—, est une limite tout de même raisonnable et justifiable (Mandatory citizenship oath to the Queen ruled constitutional [L’obligation de jurer allégeance à la reine jugée constitutionnelle]). Pourtant on refuse d’interdire, durant la courte durée de la cérémonie, un symbole de l’asservissement de la moitié de la population. Deux poids, deux mesures. Les convictions religieuses l’emportent sur les autres types de conviction.
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