Contre le prosélytisme religieux à l’Université Laval, Claude Simard, Le Devoir, 2017-04-22
Claude Simard est professeur retraité de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval.
La Faculté de théologie et des sciences religieuses de l’Université Laval vient de se doter d’une nouvelle chaire en « missiologie protestante évangélique ». Cette chaire a été rendue possible grâce à une allocation de 420 000 $ versée par des donateurs évangéliques du Canada et des États-Unis. […] En effet, le protestantisme évangélique est, avec l’islam, la confession qui croît le plus dans le monde d’aujourd’hui, particulièrement en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie.
Mais qu’est-ce donc que la « missiologie » ? Ce néologisme aux allures savantes est censé désigner la partie de la théologie qui s’intéresse à l’activité missionnaire des églises. Il pourrait s’agir d’une discipline proprement universitaire si le phénomène des missions était étudié d’un point de vue non partisan et critique, sans finalité prosélytique, sous un angle strictement historique, sociologique, anthropologique, philosophique ou communicationnel, ce qui n’est manifestement pas le cas de cette chaire.
[…], on met l’accent sur le caractère appliqué de la missiologie en soulignant sa contribution à l’amélioration des moyens de propagation de la foi. […] en clair, la chaire formera pour les églises de bons agents de propagation de la foi.
Pas sa place à l’université
L’université a comme tâche essentielle de faire avancer le savoir sur les divers phénomènes naturels et humains selon les principes de la rationalité et de l’objectivité. Elle n’a absolument pas à soutenir l’entreprise d’endoctrinement qu’est l’activité missionnaire des églises. […]
Ce retour en force du religieux à l’université signifie qu’elle renonce à l’héritage des Lumières et retourne au Moyen Âge pour redevenir un lieu favorisant autant le croire que le savoir. […]
Selon le beau principe du « dialogue interreligieux » clamé par la Faculté de théologie et des sciences religieuses, il conviendrait d’implanter une autre chaire en missiologie, en l’occurrence musulmane, afin de tenir compte de la deuxième religion du monde. Les donateurs ne manqueraient pas : l’Université Laval pourrait entre autres solliciter la générosité de la richissime théocratie islamique de l’Arabie saoudite, qui, experte en missiologie musulmane, a réussi à répandre, en l’espace d’à peine quarante ans, l’islam wahhabite à travers la planète. […]
Il s’agit d’une instrumentalisation inacceptable d’une institution d’enseignement publique afin de faire du prosélytisme religieux et une autre preuve que les facultés de théologie canoniques dans les universités publiques sont des anachronismes. La théologie est une pseudoscience, une coquille vide, une absurdité.
Voir aussi :
- La religion investit l’université,
Pour survivre, la Faculté de théologie de l’Université Laval multiplie les chaires commanditées par des groupes religieux,
Marco Bélair-Cirino, Le Devoir, 2017-04-22 - Création de la Chaire de leadership en enseignement en missiologie protestante évangélique, communiqué de presse de l’Université Laval, 2017-03-30
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