Les Québécois et leur mauvais rapport à la religion : à propos d’un sondage (1), Mathieu Bock-Côté, Journal de Montréal, 2015-11-03
[…] la toujours vertueuse Commission des droits de la personne, qui veille sur l’âme québécoise et sa tentation «xénophobe» a présenté récemment les résultats d’un sondage qu’elle veut nous faire croire effrayants: les Québécois seraient dévorés par l’intolérance religieuse. […]
Mais voyons-voir ce qui effraie Jacques Frémont, le président de la CDPDJ. La CDPDJ nous apprend que 43% des Québécois seraient méfiants envers le simple fait d’avoir des convictions religieuses. Ils se méfient de la religion en elle-même. On peut certainement voir là l’héritage de la Révolution tranquille et du traumatisme laissé par la plus mauvaise part du catholicisme dans la conscience collective. On pourrait aussi y voir une forme d’athéisme conséquent. La CDPDJ préfère pourtant y voir de l’intolérance religieuse et un refus de la tolérance. N’est-il pas légitime pourtant, même si c’est une position très discutable, d’être méfiant envers la religion en elle-même?
De même, 48,9% des Québécois confessent un malaise à l’idée de recevoir un service d’une femme portant un hidjab. […] la CDPDJ […] préfère y voir la trace indéniable de l’islamophobie qui partout, gagnerait du terrain en Occident. […]
Il y a pourtant un hic. Une telle montée de «l’intolérance» devrait s’enregistrer dans les plaintes faites à la CDPDJ. Ce n’est pas le cas. Elles sont apparemment en baisse. Jacques Frémont s’en réjouit-il? Non! Il s’en désole! Cela veut dire pour lui que les discriminés se taisent! Car il a un tour de passe-passe conceptuel: c’est justement parce que les gens ont peur qu’ils ne portent pas plainte. Ils associent la CDPDJ à la société majoritaire et conséquemment, s’en détournent. Moins il y a de plaintes, et plus cela confirmerait l’intolérance de la société envers ses minorités: elles n’oseraient même plus protester contre leur mauvais sort.
Être antireligieux n’est pas un défaut. Les religions sont des idéologies dangereuses, voire odieuses. Si la personne antireligieuse s’informe bien et exprime son antipathie pour les religions de façon cohérente et raisonnée, alors c’est plutôt une vertu. En particulier, le mythe de l’« islamophobie », c’est que la peur de l’islam serait irrationnelle et à réprouver. Au contraire, avoir peur de l’islam, surtout de ses variantes radicales comme l’islamisme, c’est la prudence la plus élémentaire.
L’idée de Jacques Frémont—que l’« islamophobie » serait un sérieux problème au Québec et que la baisse des plaintes en est la preuve—est un cas classique d’une hypothèse non falsifiable. Si le nombre de plaintes était stable ou à la hausse, Frémont dirait probablement la même chose : que l’« islamophobie » est un gros problème. Donc quoiqu’il arrive, rien ne peut infirmer son hypothèse.
Voir aussi :
- Des radicaux au Congrès sur l’islamophobie à Montréal ?, Éric Debroise, Huffington Post, 2015-10-27
Donc avoir des doutes ou être mal à l’aise est un signe d’intolérance selon M. Frémont. Pourtant, les religions sont les championnes des déclarations exagérées sans preuve. Il me semble alors sain d’avoir quelques doutes. C’est davantage le contraire qu’il serait inquiétant. Je n’aimerais pas lire « Les Québécois n’ont aucun doute face au religion et ils leur font pleinement confiance. ».
Curieusement, M. Frémont ne semble pas inquiet au sujet la liberté des femmes qui pourrait être bafouée au nom de l’Islam. L’affaire Shafia en Ontario nous en a donné un bel exemple. De jeunes filles voulant vivre comme toutes les autres jeunes filles ont payé de leur vie l’intolérance religieuse que leur famille. Combien d’autres jeunes filles, d’autres enfants sont contraints de changer leur tenu vestimentaire pour se conformer à des exigences dites religieuses. Où trouvent-elles leur liberté de religion et celle ne pas en avoir? Qui est là pour défendre ces jeunes filles et ces enfants? Êtes-vous présent pour ces jeunes filles M. Frémont ou niez-vous que ce problème existe?